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Posts written by sunnyrainbow

view post Posted: 30/11/2023, 17:21 Commentaire pour la fic "Six mois pour t'aimer" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
QUOTE (Terry4Candy4Ever @ 19/10/2023, 10:06) 
Bonjour Sunnyrainbow,
Quelle superbe histoire; je me suis retrouvée plusieurs fois à 3h du mat à lire cette superbe fanfiction; merci.
Un suspense incroyable :b:
J'attends la suite avec une telle impatience; j'ai fini hier soir et je me dit mais que vais-je lire ce soir :D ?
J'espère que tu nous la donneras bientôt.
Bon courage

Coucou Terry4Candy4Ever!
Avec quelques semaines de retard, je te réponds pour te remercier d'avoir pris le temps de me laisser un commentaire pour ma fic. Une chance que tu m'as relancée en MP, ça me donne l'occasion de te répondre ici aussi et de me mettre à jour. :D
Je suis contente que tu te sois amusée à lire ma fic, et qu'elle t'ait dépannée pendant tes insomnies! Je me souviens que ça m'arrivait souvent il y a quelques années, de lire jusqu'aux petites heures, et à tous mes moments libres. J'espère que tu as su en trouver d'autres à lire, il y en a tant! En attendant que je continue la mienne, du moins. Je prévois reprendre l'écriture d'ici peu et pouvoir offrir la suite prochainement *doigts croisés*
Encore merci et à bientôt! :wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 30/11/2023, 17:10 Commentaire pour la fic "Six mois pour t'aimer" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
QUOTE (Caroussel @ 1/9/2023, 18:15) 
Chère Sunnyrainbow,

J'ai attendu de finir la lecture de tous les chapitres afin de commenter ta fic, que dire, c'est une pure merveille!! J'ai l'impression de lire un livre, tant de détail, de description,et d'intrigues qui en entraîne d'autres , il me tarde de lire la suite, que va t'il se passer pour Candy, va elle contre toute attente se remtt6re de sa maladie et profiter pleinement e son bonheur avec Terry, et leur ange gardien Eléonore qui a deviner leur malaiSe mais pas son explication, , comment vont se passer les retrouvailles avec le Duc, Albert aura t'il enfin comme sa fille la chance d'être heureux, et enfin Eliza,comment évolueront les choses pour elle,le suspens est a son comble..😊

Coucou Caroussel!
Ah là là, tout d'abord je m'excuse d'avoir pris autant de mois à te répondre, j'ai été vraiment occupée et j'ai également eu quelques inconvénients avec mes gadgets électroniques... Comme on doit se partager un ordinateur pour plusieurs, ça demande une gestion qui s'avère parfois compliquée.
Trêve d'excuses, me voici prête à te dire un grand merci pour ton gentil commentaire qui est fort apprécié! À chaque fois que j'en découvre un nouveau, je suis profondément touchée que mon histoire plaise autant. Je me fais un bien fou à l'écrire, et tu ne peux imaginer à quel point il me tarde de reprendre possession de mes idées et de mon clavier pour les partager!
J'ai la ferme intention de m'y remettre sous peu. J'ai vraiment très hâte moi aussi de me retrouver parmi ces intrigues et ces personnages, et de faire avancer l'histoire, car elle est encore toute là, et n'attends que moi pour continuer.
Merci encore de m'avoir partagé ton enthousiasme qui fait chaud au coeur!
:wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 11/8/2023, 19:58 Commentaires pour "Il était une fois..." - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
Coucou Fanfan!

Un grand merci pour ce commentaire abondant et élogieux qui m'a accroché un grand sourire! :wub: Et merci en même temps à Lalie pour la recommandation! :wub:

C'était une première incursion pour moi dans le monde des fanfictions, qui s'est avéré positif, puisque j'ai récidivé en plongeant dans les mers imaginaires de mes "propres" fanfics, une minific complétée et une longue saga qui ramasse la poussière et que je compte bien continuer/achever dès que le temps me le permet!

J'ai choisi ce film car en l'écoutant pour une pénultième fois avec mes enfants, j'ai vu le potentiel de l'adapter au monde de Candy. J'ai préféré garder les références au film intactes, m'amusant simplement à leur associer les personnages de Candy. Un exercice que j'ai trouvé bien amusant en bout de ligne!

Donner le rôle de la dragonne cracheuse de feu à Elixa m'a semblé tout indiqué, connaissant sa propension à cracher sa hargne à un large périmètre autour d'elle dès que ses tentatives mielleuses échouent!

Et pour Candy et Terry, il allait de soi qu'ils prennent les rôles clés qui leur allaient comme un gant, un Terry désabusé de l'amour jusqu'à sa rencontre avec la belle fleur bleue Candy!

Merci d'avoir apprécié mon style, ça fait un petit velours de se le faire dire. Je m'amuse énormément quand j'écris! Constater que j'étais capable de rendre des images en phrases était une chose, réussie avec cette fic. En imaginer à partir d'extrapolations et à coup de "et si..." en est une autre qui m'a apporté et m'apportera encore, beaucoup d'heures de plaisir! :wub:

Pour Susanna, il était tellement bon de pouvoir la neutraliser complètement sans les mélodrames de la trame originale. Comme quoi tout est possible en mode fanfic!😁

C'est vraiment amusant d'insérer les allusions à l'original, on peut les intégrer en évidence ou plus subtilement, question de faire un rappel à la trame qu'on connaît si bien ou simplement les faire deviner aux lecteurs.

Merci encore d'avoir apprécié et aussi d'avoir commenté avec tant d'enthousiasme, c'est toujours un plaisir à lire! Je suis contente que mes efforts t'aient plu, et j'espère bien te retrouver un de ces jours dans la section des commentaires de Six mois... Ou peut-être même dans tes propres écrits!😉

Tu peux prendre ton temps, si tu es chanceuse quand tu y arriveras sur ta liste, elle sera encore plus avancée! Je compte me remettre à l'écriture sûrement en septembre pour entamer la suite.

D'ici là, bonnes lectures, Fanfan et surtout, amuse-toi à découvrir ces bijoux sur le forum!
:wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 11/8/2023, 19:19 Commentaires pour "Il était une fois..." - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
QUOTE (petiteneige2printemps @ 30/10/2016, 14:51) 
Bonjour


Je viens de finir ta fic inspirée du film éponyme.
C'est une histoire que j'ai beaucoup aimé visionner au ciné, et la retrouver ici écrit avec ta plume est un enchantement.
Ton style est clair, fluide, sans surcharge et je sens tout l'humour des situations.
Tu as très bien su cerner les personnages de Mezuki et les transposer avec ceux de Disney était une bonne idée.

Je te remercie pour cette lecture et te félicite.

Coucou petiteneige2printemps!
D'abord je t'écris un énorme "désolée" de n'avoir pas pris le temps de répondre à ton commentaire si agréable avant maintenant, un simple oubli que je règle ici.
Ensuite je te remercie de m'avoir laissé tes impressions suite à ta lecture. Je suis contente que cette interprétation sans prétention t'ait plue! Je me suis bien amusée à imaginer nos frimousses préférées dans ces rôles de Disney. C'était un exercice franchement enchanteur.
Encore merci à toi!
:wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 11/8/2023, 11:54 Commentaire pour la fic "Six mois pour t'aimer" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
Coucou Barroco!😁

Comme cela fait du bien de te lire! :wub:

Merci d'avoir trouvé et pris le temps, c'était très plaisant! Ah le temps, cet éternel insatisfait qui nous fait courir langue à terre pour s'apercevoir que la meilleure technique pour le ralentir c'est juste de s'asseoir et... Respirer!

Oui, je sais... Facile à dire! Je suis du style à me poser pour la séance de yoga, puis dès que c'est terminé, reprendre mes sacs et ma course contre la montre! "Elle n'a rien compris, la fille!" qu'on m'a déjà dit! 😁 La pause, je sais aussi l'apprécier! Parfois...😁

Je suis vraiment contente que la suite continue de te plaire! :wub:

Eleonore a de multiples talents. Elle prévoit se marier avec son duc, et prendre sa retraite. Va-t-elle vraiment le faire et s'en contenter?

En ce qui concerne Candy, je ne sais pas si c'est une réaction normale face à la maladie, mais c'est du moins la sienne. On a tous notre manière de faire face aux aléas de la vie, c'en est une parmi tant d'autres!

Ah ça titille les méninges tous ces non-dits entre Elroy, Georges et Rosemarie! Y'a même le capitaine qui s'en mêle avec ses réminiscences voilées... C'est de la graine à fanfic assurée. Je m'en sers sans vergogne!😁 Et oui, tu as de grandes aptitudes à imaginer toi aussi! C'est sûr que l'écriture te siérait bien!😉✨

Bah non quoi, faut faire durer les doutes pour les diverses trames de l'histoire! Je ne peux pas tout dévoiler d'un coup, vous en feriez une indigestion! Ça va venir, et les réponses vont finir par aboutir aussi! En temps et lieux. Ah!🙄 Je vais bientôt m'y remettre et relancer le chantier, si je veux finir par mettre le point final à cette épopée.

Eleonore agit comme la mère que Candy n'a jamais eue, sage, lucide, une confidente et une amie sincère. Elle veut les voir heureux ses tourtereaux, même si elle ressent des choses car elle est lucide et empathique. C'est sûr que Candy en est chamboulée, elle a les émotions à fleur de peau plus le temps avance. Et au fond, elle ne souhaite que vivre, être heureuse et profiter de chaque seconde, chaque moment. Tout un dilemme dans son esprit que cette condamnation! Et, comme tu le dis, peut-être y a-t-il une part psychologique dans la maladie qu'elle a développée...

Suzanne reste Suzanne malgré tout. Une enfant gâtée aux mille caprices, qui n'a pas vraiment connu les misères de la vie comme Candy qui y a goûté. Elle l'aime beaucoup son Philippe et j'espère bien que ce n'est pas juste parce qu'il la porte en adulation...😯🙄😜

Y aurait-il un petit suspense quant à ce que réserve l'avenir à Eliza? Tu as bien cerné sa réalité. Son aventure l'aura-t-elle domptée ou si elle continuera de blâmer sa cousine pour tous ses maux? On espère qu'un brin de sagesse finira par se faire un chemin dans sa carapace égoïste...

Et ce cher Henry, acquiert-il enfin une belle maturité? Retrouvera-t-il ou renoncera-t-il aux attraits alléchants de la belle rouquine? Tu auras des réponses quand je me replongerai dans l'écriture. Tu sais comme j'aime compliquer les choses simples! 😂

Que de plaisir à faire damner la pauvre Eliza! En plus d'être vieux, laid et pervers, son futur est aussi corrompu et manipulateur! On dit bien qui se ressemble s'assemble, pas vrai?

Ce bon vieux Georges! D'habitude si fiable, il semble savoir des tas de trucs inédits, j'ai bien hâte de lire ce qu'il manigance sur ce coup-là! C'est certain qu'il a ses raisons...

J'ai bien aimé ton interprétation de la mamie sur le train, une Candy du futur! En tout cas, la mamie va le faire réfléchir, le petit Bert au grand coeur! Tout comme l'intrigue entourant Rosie/Angie. Il n'avait pas besoin de ça en plus de l'histoire avec le lord...
Bientôt, bientôt il aura des réponses! Et toi aussi, d'ailleurs!

J'y viens, j'y viens à la suite... Quelques trucs à terminer et je pourrai me remettre à l'écriture.

Tu sais quoi? Elle est toute là, la suite, sur une étagère dans mon coco, et sur une tablette en mots clés, en attendant que je prenne le temps. J'ai vraiment hâte de continuer, ce sont toujours des moments amusants pour moi quand je suis en mode écriture. Ça me manque!

Merci pour ton long commentaire, chère Barroco! C'est toujours très divertissant de lire tes impressions! Cela me permet de constater que ton ordi a beau être bien connecté, il n'a pas encore découvert la cachette secrète où j'entrepose toutes les réponses!

A bientôt pour la suite!
:wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 25/7/2023, 12:58 film a adapter en fanfictions... - Le forum General
QUOTE (Fanfan 2604 @ 25/7/2023, 09:49) 
Il me semble qu'il y a eu un "2" à ce film, une suite de " Il était une fois" .

https://youtube.com/watch?v=BTUHNucM3pU&feature=share8
Je n'ai pas eu la chance de le voir encore je ne sais pas s'il est bien...

Mais a-t-il été aussi adapté en fic par Sunnyrainbow?

Bonjour Fanfan!

Malheureusement je n'ai pas encore vu la suite, alors non, cela n'a pas été fait.
J'aimerais bien trouver le temps de le faire, qui sait?
Pour répondre à ton autre question posée plus tôt, j'ai voulu respecter le film que mes enfants et moi avons bien apprécié dans leurs jeunes années! Je souhaitais simplement m'amuser avec les personnages de Candy et voir si je pouvais l'adapter à ce monde enchanté. Ce fut un exercice vraiment plaisant, et ma première excursion dans l'univers des fanfics.
view post Posted: 21/5/2023, 00:57 Commentaires pour la fic "L'amour de ma vie" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
Bonjour Candyetterry love!
Je viens de terminer la lecture de ta fic L'amour de ma vie dédicacée à ta grand-mère.
Tu as choisi un sujet sérieux et profond qui touche chacun de nous de près, car qui n'a pas dans son entourage connu quelqu'un d'aimé qui souffre d'Alzheimer ou de démence dégénérative...
J'ai aimé retrouver les personnages de Candy et les voir évoluer dans les rôles que tu leur as octroyés. Candy et Anthony en jumeaux dotés d'un lien télépathique, Terry en amoureux et protecteur qui n'a pas su lire la vraie détresse de son épouse bien-aimée, Tom et Albert qui laissent Candy faire à sa tête!
Ton histoire est plutôt dramatique et remplie de secrets. Et ta Candy est une tête forte très solide et si indépendante et fière! Elle a su mener sa vie et en sauver d'autres, portant sur ses épaules un poids beaucoup trop lourd qu'elle n'a pas su alléger en le partageant...
Comme c'est triste de la voir si malheureuse, malgré tout l'amour qui lui est voué par ses proches!
Malgré cette sombre réalité dans ta fic, j'ai su y trouver un moment de lecture qui m'a fait réfléchir à la fragilité de la vie et à l'importance de bien la vivre, chérissant nos moments présents avec ceux que l'on aime.
Merci pour cette histoire que tu as bien mener à terme et qui a dû te prendre de nombreux efforts à écrire. Ta grand-mère et toi pouvez être fières de cet accomplissement!
:wub: :wub:
view post Posted: 8/5/2023, 22:14 Commentaires pour "pour l'amour de Candy " - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
Coucou Gentillefille!

Je suis contente que tu aies été inspirée pour continuer cette fic à rebondissements assurés, bourrée de secrets et de mensonges, et d'espoirs d'un avenir meilleur...
J'aime bien comme Terry est attentionné envers sa femme américaine, la belle Candy qu'il a toujours convoitée de loin et qui est maintenant sienne dans tous les sens du terme ainsi qu'aux yeux de la loi.
L'arrivée d'Anthony a seulement servi à amener Candy encore mieux blottie dans les bras de Terry!
Il y a beaucoup d'insatisfaits dans cette histoire mais aussi des possibilités de couples intéressants (exemples : Albert et Eleonore et même Susanna et Anthony!!!! :o:)
Je suis bien intriguée de voir le dénouement que tu prévois et ce qui se passera quand Candy apprendra les mensonges de son nouveau mari!
Merci encore pour ce nouveau chapitre et Bonne inspiration pour la suite!
:wub: :wub:
view post Posted: 30/4/2023, 12:45 Commentaire pour la fic "Six mois pour t'aimer" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
QUOTE (Giusy100 @ 29/4/2023, 14:20) 
Bonjour je découvre avec grand plaisir que tu reprends l'écriture pour la suite de cette magnifique fiction. J'ai évidemment relu depuis le début et là j'espère lire la suite. Je te félicite pour la façon dont tu nous la raconte. Elle est vraiment passionnante. Je suis même peiné pour cette mauvaise de Élise qui aime tellement faire du mal à notre adorable Candy.

Coucou Giusy100!

Quel plaisir de trouver ton beau message aujourd'hui!
J'ai emprunté des personnages qui avaient déjà tant de beaux défauts à maîtriser! :lol: C'est amusant de voir jusqu'où la méchanceté d'Eliza peut la mener... Je me demande si un jour elle apprendra ses leçons! :o: :P Et pourtant, elle aurait tant à découvrir en choisissant de cesser de nourrir sa haine. On dit que le léopard ne change jamais ses taches. :o: Mais sait-on jamais? On nage en fanfic après tout!
Je suis contente que tu t'amuses à lire ce que j'écris et j'espère que la suite te plaira autant que j'ai de "gros fun" à l'imaginer!
:wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 9/4/2023, 19:18 Six mois pour t'aimer - Les fanfictions sur Candy

ÉPISODE 5
Partie 5






Les joues et les oreilles rougies par le nordet qui leur fouettait le visage, Albert et le Duc pressèrent le pas. De gros flocons cotonneux tombaient du ciel gris-blanc alors qu’ils marchaient rapidement la courte distance les séparant du commissariat. Ils passèrent la porte du poste un peu essoufflés.

-Quel temps de canard! dit Richard en secouant la faible neige accumulée sur son manteau.

Assis derrière son bureau, le subalterne de la veille fut étonné de reconnaître Albert accompagné de cet aristocrate distingué. Il se leva prestement pour se poster devant eux.

-Bonjour, M. l’Agent, on s’est rencontrés hier, commença Albert.

-Je vous replace, M. André. Puis-je vous être utile pour quelque chose?

-Je vous présente le Duc de Grandchester, un ami à moi. Nous venons voir le sergent Lewis pour obtenir quelques clarifications sur la situation.

-Malheureusement le sergent n’est pas en fonction les mercredis. Je peux prendre votre message?

-Nous aurions voulu nous entretenir avec lui directement. Selon nous, il reste quelques irrégularités dans l’affaire, dit Albert.

-En fait, peut-être que vous pourriez nous aider, dit le duc d’un ton qui n’admettrait aucune excuse. Nous voulons savoir ce que vous connaissez sur les liens qu’entretient le Lord Richardson avec cette affaire.

L’homme hésita.

-On sait ce qu’on nous a dit, rien de plus. Il n’y a pas de preuves contre lui.

-Pourquoi ne pas nous avoir donné l’heure juste hier? demanda Albert. Il semblerait que cet homme a un dossier long comme le bras.

-Le sergent…

-Il n’est pas ici présentement. Et nous avons besoin de ces réponses maintenant. Si vous ne souhaitez pas qu’on fasse rouvrir l’enquête bâclée, je vous conseille de coopérer.

-Il n’y a rien à dire! Le cas est clos.

-Monsieur l’Agent, j’insiste à connaître le fond de cette histoire. Il reste trop de flou. Vous savez comme moi que ce que les deux hommes avaient entendu concernant le scientifique était en partie vrai. Votre sergent les a fait passer pour des malfaiteurs et des ignares, alors que vous étiez pertinemment au courant qu’il y avait anguille sous roche. Comment expliquez-vous que ces hommes aient entendu des trucs, et qu’on nous dit finalement que tout cela ne serait que des faussetés qu’on balaye sous le tapis?

-Je ne vous dis pas qu’il ne s’est rien passé. Je vous dis simplement que si vous attaquez le lord, vous faites fausse route. Il a été lavé de tout soupçon dans cette affaire. C’est son jockey qui avait des idées de grandeur et qui a profité de sa position pour...

Le duc le regardait avec un sourcil relevé. Si la situation n’avait pas été aussi sérieuse, Albert aurait éclaté de rire. Richard arborait la même expression qu’il avait déjà vue sur le visage de son fils!

-Le lord, le lord, je pourrais vous raconter des tas de choses à son sujet qu’il n’a pas intérêt à voir étaler sur le domaine public! Plusieurs dans notre milieu sont déjà au courant de ses frasques. Sûrement l’êtes-vous aussi. Celui-ci n’est pas son premier écart de conduite et ne sera assurément pas le dernier! N’y a-t-il aucun moyen de l’arrêter? Ou du moins l’empêcher de récidiver?

-Puisque je vous dis qu’en ce cas-ci, il n’y a aucune preuve contre lui! s’obstina le subalterne en esquivant le regard du duc.

-Vous êtes un foutu agent de la paix, bordel! N’êtes-vous pas supposé faire régner la loi?

Le subalterne se carra les épaules, attaqué dans sa fierté.

-Nous sommes pieds et poings liés, monsieur le duc, dit-il lentement à voix basse. Vous savez comme moi que certaines personnes, de par leur naissance, ont des privilèges et très peu de scrupules.

-Oui, j’en suis conscient. Certains pairs de ce royaume se croient tout permis.

-Et ce scientifique qui a été séquestré? Qu’en est-il de lui? s’enquit Albert. N’a-t-il pas porté plainte pour atteinte à la personne?

-Pourquoi me poser les questions si vous semblez déjà être en possession des réponses?

-Nous n’avons pas les réponses, justement! Nous voudrions des éclaircissements.

De frustration, le duc cogna son poing sur le comptoir.

-On va commencer par ce que vous pouvez nous dire. Le scientifique… qui est-il?

-Messieurs, je suis restreint par la confidentialité. Je ne peux pas divulguer de noms. Cette histoire a été réglée en Écosse il y a des semaines. Vous devrez vous référer au commissariat là-bas. Ici, nous n’en savons pas beaucoup plus que vous. Ce que je suis en mesure de vous dire, et cela a fait la une des journaux il y a quelques semaines, c’est que le scientifique, dont on a voulu taire le nom, était gardé par le jockey qui lui faisait administrer des concoctions aux chevaux pour rehausser leur performance.

-Pourquoi ne pas nous l’avoir dit hier? demanda Albert.

-Le sergent Lewis ne vous l’a pas mentionné?

-Vous savez bien que non, vous étiez là! C’est grâce à M. Grandchester que j’ai été mis au courant.

Le duc pressa son point.

-M. l’Agent, nous sommes deux hommes d’affaires influents qui avons été dérangés par cette histoire. Mon partenaire, ici présent, a eu des empêchements, et risque de perdre beaucoup d’argent suite à tout ceci. Alors veuillez respecter notre entêtement à vouloir comprendre.

-Je vous le répète. Cette histoire est connue, ça a passé dans les journaux récemment. Il faut être dans les intimes du Lord pour en savoir plus.

-Donc selon vous, j’aurai plus de réponses seulement une fois rendu à Edimbourg?

-Cette histoire n’a jamais été de notre juridiction. Nous avons pris vos dépositions, et les copies sont à ajouter au dossier qu’ils détiennent là-bas dans leurs propres archives. Si vous avez d’autres questions, vous feriez mieux de vous adresser au poste là-bas. Je suis désolé de ne pouvoir vous en dire davantage.

-Moi aussi.

-Qu’attendiez-vous au juste?

-Simplement la vérité, dit le duc.

-J’ai déjà perdu deux jours à devoir remettre mes réunions d’affaires à plus tard, et à être pris dans cet imbroglio sans bon sens, sans réponses claires. Vous admettrez que c’est frustrant.

-Entre vous et moi, le sergent avait raison sur une chose. Les deux hommes qui vous ont raconté ces histoires n’étaient pas les plus futés qui soient. Ils auraient pu se renseigner avant de dévoiler des informations qu’ils auraient dû taire sans preuve.

-On tourne en rond ici. C’est bien, j’irai me renseigner en Écosse. Je m’attendais à beaucoup plus de transparence de votre part.

-Puisque je vous répète que je n’ai pas tous les détails. Le sergent aurait pu vous éclairer à ce sujet, car c’est lui qui a communiqué avec Edimbourg pour les prendre. Il sera là demain.

-Mais pas moi! précisa Albert. Je vous remercie de votre temps, Monsieur l’agent. Le train quitte la gare dans une demi-heure, je dois y aller.

Une fois revenus dehors au froid, Albert s’excusa auprès du duc.

-Cela n’a pas été concluant, j’en suis désolé. Cela ne nous concerne guère, si la police ne coopère pas et si aucune plainte n’a été retenue contre lui.

-Ne vous en faites pas, je ferai ma propre investigation de mon côté. On comparera nos notes à Noël.

-Avez-vous déjà fait affaire avec le Lord?

-Oui, dans le passé. Jusqu’à ce que je me rende compte du type de racaille que j’avais devant moi. Maintenant il arrive qu’on doive se croiser à certaines occasions, mais c’est obligé. Nos cercles d’affaires sont bien différents.

-Que de temps perdu! répéta Albert en soupirant, encore un peu agacé par toute la situation.

-Voyez-le autrement. Cela nous a donné l’occasion de se voir en dehors des festivités de Noël. Il aurait été plus difficile de parler affaires dans cette ambiance. De plus, vous avez appris des choses qui pourront aider votre nièce, si tel est le désir de ses parents.

-C’est vrai, je dois faire parvenir un télégramme à Arthur Legrand avant de me rendre à la gare! Une chance que j’avais pensé d’apporter mes choses de l’hôtel. Je dois partir maintenant.

-Voulez-vous que je vous dépose? On pourra passer par le bureau de poste qui est juste à côté, et puis la gare à cinq minutes de là. Les deux sont sur mon chemin.

-Ce serait grandement apprécié, Richard, ça me sauvera du temps. Je vous avoue que je suis passablement déconcerté par cette histoire et j’ai hâte d’y voir plus clair.

- Ce n’est jamais plaisant d’être pris dans des situations sans solutions. Je vous souhaite de trouver des réponses satisfaisantes à Edimbourg.

-Cela devient frustrant à la longue.

-Venez, il n’y a pas de temps à perdre.

Après leur arrêt au bureau de poste, le duc se stationna devant l’entrée de la gare. Albert prit ses bagages dans la valise du véhicule. Les deux hommes se serrèrent la main une dernière fois.

-On se revoit pour la veille de Noël au manoir?

-Oui, au vingt-quatre, alors!

-Bons rendez-vous en Écosse. C’est un si beau coin de pays, tâchez d’en profiter un peu! Déridez-vous, cela ne pourra qu’être bénéfique pour vos réunions d’affaires.

-Si mon horaire le permet, j’aimerais bien faire de l’équitation, cela me manque. Merci pour tout, Richard, vous avez été un allié de taille. Je vous souhaite de bonnes retrouvailles avec Eleonore et Terry!

Ils se quittèrent et le duc embraya sa Crossley 1915, pressé de retourner chez lui, pour passer les jours restants à s’assurer que tout était prêt pour accueillir sa future femme. Il avait tellement hâte de la revoir! Il lui avait préparé une surprise de taille. Et pour son fils, il ne pouvait que continuer de prier que tout se passe bien.

De son côté, Albert entra dans la gare, acheta son billet de première classe et prit place dans son wagon. Il était arrivé juste. Il n’eut pas longtemps à attendre avant que le train parte. C’était un trajet de plusieurs heures pour se rendre à Edimbourg. Il aurait tout le loisir de réfléchir au courant de la journée à ce qui l’attendait et faire le point sur ce qu’il venait de vivre ces derniers jours. Son voyage d’affaires commençait enfin.




********






Dès qu’il avait reçu le téléphone de Georges Johnson pour lui dire qu’un bracelet de la même description que celui qu’il avait offert à Eliza avait été déclaré à la police tout récemment, Henry s’était rendu sur place pour l’identifier. Il arriva à la petite boutique du prêteur sur gages avec un peu d’avance sur le rendez-vous fixé par le détective privé des André. Celui-ci l’attendait en fumant une cigarette à l’extérieur du magasin. L’homme portait son sempiternel imperméable gris de la même teinte que ses yeux. Il laissa tomber son mégot par terre pour qu’il achève de se consumer, et suivit Henry à l’intérieur.

-Bonjour, je peux vous aider? demanda l’homme maigrelet derrière le comptoir, ses yeux bleus avides de la possibilité d’une vente.

-Je viens pour le bracelet.

-Nous avons en notre possession plusieurs magnifiques bijoux que je peux vous montrer, annonça-t-il d’une voix mielleuse. Dans ce présentoir de l’autre côté, ce sont nos plus beaux, si vous voulez me suivre.

-En fait, je suis venu pour voir celui que vous avez obtenu récemment. Un bracelet en argent pur, d’une qualité rare.

-Pourquoi vous y intéressez-vous? demanda l’homme un peu brusquement.

-J’ai besoin d’informations à son sujet.

Le détective s’avança et montra son badge pour couper court à tout détour.

-Répondez aux questions, je vous prie.

L’homme devint soudain nerveux, ses prunelles dilatées de peur se mirent à darder de gauche à droite, à la recherche d’une issue. N’en trouvant aucune, il se mit à bégayer.

-Le-le brace-let. I-Il a été déclaré. Un policier est dé-déjà passé pour l’inspecter. L’achat est conforme.

-Oui, nous le savons.

-Je suis simplement venu pour l’identifier, dit Henry, pour m’assurer que c’est vraiment celui qu’on recherche. Je peux vous poser quelques questions?

-Un-un instant.

Les mains tremblantes, l’homme sortit son trousseau de clés. Il prit de sous le comptoir de la caisse, une boîte métallique cadenassée dans laquelle il gardait certains items plus précieux. Il n’avait osé remettre le bracelet en vente tout de suite, préférant donner un peu de temps à son ancienne propriétaire advenant le cas où elle changerait d’idée.

Dès qu’il ouvrit le coffre, Henry réagit.

-C’est celui-là! s’exclama-t-il en le pointant du doigt.

-Il n’est pas gravé, comment pouvez-vous en être certain? s’étonna l’homme en le sortant pour lui montrer de plus près.

-C’est moi qui l’ai acheté, je m’en souviens.

Henry retourna le bracelet de tous les côtés. C’était bien le bijou qu’il avait offert à Eliza pour lui proposer de devenir sa maîtresse attitrée. Il le redéposa sur le comptoir.

-Que pouvez-vous nous dire au propos de la vente?

L’homme hésita, lorgnant la balafre du côté de l’œil gauche de Henry.

-S’il-vous-plaît, dites-nous tout ce dont vous vous rappelez au sujet de cette transaction, demanda celui-ci. C’est important.

-J’ai dit tout ce que j’avais à dire à la police. Pourquoi je vous aiderais? Que voulez-vous de plus?

-Vous leur avez vraiment tout dévoilé?

-Ou-oui.

-Je dois absolument retracer la femme qui vous l’a vendu. Si c’est bien celle à laquelle je pense, elle avait besoin d’aide, n’est-ce pas?

L’homme eut un geste de surprise et recula.

-Un dollar par réponse, lâcha Henry, imperturbable.

L’homme le fixa un moment avant de hocher la tête. Ses yeux s’étaient agrandis d’étonnement à la promesse d’argent supplémentaire. Cette journée s’annonçait excellente pour ses affaires.

-Quand est-elle passée en magasin?

-Cela fait une bonne semaine, je dirais.

-Ce n’est pas une réponse! Soyez plus précis. C’était quelle journée exactement?

-Attendez un peu, je devrais avoir le reçu quelque part, dit l’homme en sortant un registre d’un tiroir derrière lui. Voici mes ventes de la dernière semaine.

Il tourna les pages lentement. Il se souvenait l’avoir noté. Il tomba sur la description du bracelet, cacha le prix qu’il l’avait vendu et leur dit,

-Je l’ai acheté lundi dernier, le huit décembre.

Le détective et Henry se regardèrent, cela faisait plus d’une semaine! Eliza pouvait être n’importe où maintenant!

-Elle vous a dit son nom? demanda Henry, les épaules légèrement affaissées.

Il secoua la tête.

-Elle a très peu parlé. Elle semblait pressée de partir. Pourquoi voulez-vous savoir? C’est votre sœur?

Henry l’ignora.

-Comment était-elle habillée? Vous avez vu ses cheveux? Et ses yeux?

-Ses cheveux… Je ne pourrais vous dire la couleur, ils étaient cachés sous sa tuque. Par contre je peux vous dire qu’elle portait un manteau et une jupe quelconques, dans des teintes de gris fades, bien qu’elle parlait comme une dame de la haute. Une très belle dame aux yeux bruns tristes, un peu hautaine.

-Comment l’avez-vous trouvée? Je veux dire… Avait-elle l’air en forme?

-Attendez que je me rappelle…

-Peut-être que cela vous aidera à vous rappeler si je vous offre un pourboire additionnel, dit Henry en lui présentant des billets verts supplémentaires que l’homme prit avec avidité.

-Elle paraissait nerveuse. Elle m’a semblé être dans une situation précaire. Et… j’ai remarqué qu’elle camouflait une blessure au cou, avoua-t-il en fixant les points de suture de Henry.

Henry relâcha le souffle qu’il avait retenu depuis le début. C’était Eliza. Tout concordait.

-Une blessure?

-Elle a voulu la cacher, mais je l’avais vue. Une ligne rouge sur son cou.

-C’est elle. Souvenez-vous. Vous a-t-elle dit où elle vivait? demanda Henry avec empressement.

-La seule chose qu’elle m’a dite et qui pourrait vous aider dans votre recherche, c’est qu’elle avait l’intention de quitter New York sous peu.

-Bon, si jamais il vous revient d’autres informations concernant la dame, dit le détective, je vous laisse mon numéro. Il est impératif qu’on la retrouve le plus tôt possible.

-Je peux savoir ce qui se passe exactement?

-Ses parents la recherchent, c’est tout ce que vous avez à savoir.

Il avait laissé Henry mener le questionnement, car cela semblait important pour lui. Maintenant il fallait partir et présenter à Georges le peu qu’ils avaient appris. Le détective s’apprêtait à quitter la boutique quand il entendit la voix d’Henry.

-Je vous l’achète!

Le détective regarda Henry. Que faisait-il là?

-Pardon, monsieur? s’enquit le vendeur.

-J’ai dit je vous le rachète. Vous le vendez combien?

-J’avais l’intention de le vendre vingt dollar. Vous comprenez, c’est un bijou en argent pur!

-Je sais.

Henry ne dit pas à l’homme qu’il était un escroc, même s’il le pensait. Cela venait de lui coûter une somme rondelette. Il sortit de son porte-monnaie un billet de vingt dollars que le vendeur s’empressa de saisir, le rangeant aussitôt avec les autres billets dans sa caisse. Puis il donna le bracelet à Henry qui le mit dans la poche secrète de son veston.

-Merci de votre visite. Repassez n’importe quand. Je ramasse plusieurs belles pièces comme celle-là.

-N’en parlons plus.

-Merci à vous de l’avoir déclaré celui-là, dit le détective en lui faisant un signe de tête.

-Que dites-vous là? Je les déclare toujours, fit l’homme avec un petit sourire qui dévoila ses canines pointues et qui aurait pu signifier n’importe quoi.

-Bonne journée à vous.

Juste avant qu’Henry ne franchisse le seuil, l’homme l’arrêta.

-Attendez! Il me revient un détail. Elle m’a dit qu’elle espérait que la personne qui rachèterait ce bracelet de valeur sentimentale aurait plus de chance qu’elle!

Henry sursauta et se tourna vers le vendeur.

-Merci, c’est en effet un bracelet qui a été chanceux pour moi.

Il sortit de la boutique et les clochettes de la porte tintèrent de leur son cristallin. Il rejoignit le détective sur le trottoir.

-Ce n’était pas nécessaire d’aller jusque-là, M. Ferguson. Cet homme aurait fini par nous dévoiler ce qu’il savait.

-Peut-être, mais ça aurait pris beaucoup plus de temps. J’ai un horaire chargé ces jours-ci.

-Un homme d’affaires jusqu’au bout des ongles!

-Oui. Je dois être à mon prochain rendez-vous dans quinze minutes, dit Henry en regardant sa montre. Merci, détective Grey.

-Merci à vous. Je vais informer Georges de cette rencontre. S’il y a quoique ce soit, vous avez son numéro.

-Je n’ai pas fait grand-chose. J’aurais voulu obtenir une meilleure piste, mais il aurait été étonnant que cet homme sache quelque chose de plus. Eliza a sûrement déjà quitté la ville depuis. On n’est pas plus avancés.

-Au moins on a la preuve qu’elle s’est bien débrouillée jusqu’à la semaine dernière. Et avec l’argent de la vente, elle était en position de s’aider.




********






Candy était prête avant lui. Lorsqu’elle sortit de la salle de bain pour lui laisser sa place, elle le trouva debout devant un meuble, une main appuyée sur le rebord, la tête penchée, toute sa posture dénotant l’abattement.

-Chéri? fit-elle en s’approchant précautionneusement de lui, aussitôt perplexe. Ça va?

Il ne lui répondit pas tout de suite.

-Que se passe-t-il? Qu’as-tu dans ta main?

Il s’essuya les yeux du revers de la manche avant de se retourner vers elle. Ses yeux rougis par une tristesse innommable, il lui montra la feuille qu’il tenait dans sa main crispée. Il la replia pour la réinsérer dans l’enveloppe lui étant adressée. Elle reconnut la missive du Dr. Reynolds lui annonçant son diagnostic. Elle lui prit lentement l’enveloppe des mains et la déposa sur le meuble. Elle s’approcha de son Terry et le serra dans ses bras. Ils restèrent ainsi quelques minutes, enlacés, muets, partageant la même émotion. Leurs corps étaient si proches que son propre cœur ressentait le tambourinement de celui de Terry au même diapason. Après une longue communion silencieuse qui les avait étrangement rapprochés et rassérénés, elle lui demanda,

-Oh, Terry! Qu’est-ce qui t’a pris? Pourquoi l’as-tu relue?

-C’est en prenant mon veston, dit-il un peu hébété. J’ai senti quelque chose de raide dedans. J’avais oublié que tu l’avais mise dans la poche interne. Je l’ai ouverte, même si je l’avais déjà lue il y a des semaines… Je ne sais pas ce que j’espérais… Je me disais qu’on avait peut-être mal lu, ou mal interprété ses propos… À te voir aller ces jours-ci, les yeux brillants et les joues rosies de joie, je me disais que tu semblais aller mieux.

-Les mots restent les mêmes peu importe le nombre de fois que je l’ai lue. On ne s’y fait pas, hein? C’est comme si à chaque fois, je suis prise par le même sentiment de perte de contrôle et de défaitisme qu’à ma première lecture. Je me sens comme si j’étais en chute libre et je n’aime pas trop la sensation. Je préfère donc l’ignorer la plupart du temps, et faire comme si elle n’existait pas. Je me fie à mon vécu au quotidien, et à chaque jour que je peux vivre encore, je remercie pour cette chance inouïe le matin en m’éveillant de pouvoir rester avec toi encore un moment. Et à nouveau le soir en me couchant, je ressens une infinie gratitude pour cette opportunité d’avoir terminé une autre journée à tes côtés. Si je l’ai apportée avec moi, c’est seulement pour que le médecin puisse en prendre connaissance, pas pour qu’on s’approprie ce qui y est écrit.

Terry gardait les sourcils froncés et Candy passa ses doigts dessus pour les lisser, pour enlever les soucis qui s’y logeaient.

-Donne-la moi, dit Candy doucement en étirant sa main vers l’enveloppe. Je vais la ranger hors de vue jusqu’à demain. C’est plus facile de l’oublier quand elle reste au fond de ma valise.

Elle sortit son sac de voyage de la penderie et remit l’enveloppe dans une des pochettes.

-Ça va aller? demanda-t-elle avec inquiétude, en revenant vers lui.

-Oui, Taches de son. C’est juste que parfois, les émotions montent et ça me prend par surprise. Viens, assoyons-nous quelques minutes, dit-il en prenant place sur la causeuse.

-Ils nous attendent.

-Ils peuvent attendre! On est des nouveaux mariés, après tout! Ils nous excuseront.

Terry l’implora des yeux. Dès qu’elle fut assez proche, il la saisit par la taille et l’attira vers lui, sur ses genoux.

-Je t’aime, Candy. Tu m’entends? Je ne veux pas que tu partes et que tu me laisses seul. Je ne veux pas vivre ma vie si tu n’es pas à mes côtés.

-Oh, Terry…

-Candy, pardonne-moi ma lâcheté, dit-il en appuyant sa tête sur sa poitrine, honteux, ému.

Elle prit sa tête entre ses deux mains et plongea son regard dans le sien.

-Tu es tout pardonné, bel amour. Je t’aime. J’aimerais pouvoir te soustraire de cette souffrance que je vois dans tes yeux.

-Tu ne peux pas. Comme moi je ne peux rien faire pour te guérir. Je suis un humble humain faisant face à l’inéluctable et parfois, parfois je trouve cela si injuste! Et je te vois te tenir debout dans la tourmente, si forte devant les autres, et même devant moi, comme en ce moment. Mais je n’arrive pas à me résigner à ce destin.

Il fit une pause, et prit une longue respiration.

-Peut-être vaudrait-il mieux ne pas aller là. Pas ce matin, du moins. Préfères-tu qu’on en reparle plus tard?

-Mon bel amour, si toi tu m’en parles, c’est parce que tu en as besoin. Ça fait du bien parfois de se vider le cœur du trop plein, ça lui permet de rester en santé.

Étonnée elle-même par ses propres propos, elle ouvrit des yeux ronds, et lâcha un petit son plaintif d’animal blessé. Terry l’observait, attendant la suite qui ne vint pas tout de suite. Candy se leva et se mit à arpenter la pièce de long en large. Puis, elle s’arrêta devant lui.

-Terry, parle-moi, dis-moi ce que je peux faire pour t’aider maintenant.

-Ma biche, viens simplement te rasseoir avec moi.

Candy obtempéra, lui prit la main, et s’assit près de lui, continuant de le fixer en cherchant à le rassurer d’une quelconque manière.

-Tu n’es pas responsable de comment je me sens! lui dit-il avec douceur. Il m’arrive à l’occasion de me sentir complètement dépassé par notre situation et je pense que c’est tout à fait naturel. Cela doit être la même chose pour toi. Je m’étais dit que je ne t’en parlerais pas, mais tu m’as surpris avec la lettre, avoua-t-il en baissant le regard.

-Je ne réalise pas toujours ce que cela peut te faire à toi. Est-ce que ça t’aiderait de me parler de tes ressentis?

Terry releva ses yeux virant au bleu aussi profond que celui des océans, et les plongea dans les siens, voulant s’hydrater et se remplir dans cet oasis de paix et d’amour qu’il devinait derrière la tristesse.

-Je pense que ce qui est important pour moi, c’est que… Je veux simplement que tu saches que je tiens à toi, Taches de son, et peut-être encore beaucoup plus que tu t’imagines… Qu’essayer de prévoir la vie sans toi m’est… vraiment très difficile… Et que je préfère ne pas penser à cela maintenant. Cela résume comment je me sens présentement.

-Personne ne connaît le futur, on ne peut qu’essayer de le deviner, et se tromper. C’est si aléatoire. On ne fait que changer une donnée, et le destin se dessine autrement. Alors à quoi bon gaspiller nos moments précieux à le faire?

-Tu as raison. Vu ainsi, c’est un peu comme si on se prenait pour des dieux omnipotents qui veulent tout décider.

-Des enfants gâtés qui font une crise de nerfs quand ça ne va pas à leur goût. C’est une charge excessivement lourde que de vouloir contrôler, ne trouves-tu pas? Notre tâche à nous, les êtres humains, c’est tout simplement de lâcher prise sur les choses que l’on ne peut pas contrôler, et avoir Foi que tout est pour le mieux. Ça a longtemps été ma devise, tu sais? Mes mères m’ont appris à faire confiance à Dieu. Même s’il m’arrive parfois de ne pas comprendre ce qui se passe, et d’avoir peur, je me répète que ces situations que je vis sont là pour me faire grandir, pour nous faire évoluer vers quelque chose de mieux.

-Ça m’exaspère de penser que je ne peux rien faire pour toi!

-Tu fais pourtant plein de choses pour moi. D’abord, tu es là, tu es présent. L’amour que je ressens dans un simple regard ou une caresse de toi, cela me fait tant de bien! Ton amour si fort m’apporte la sérénité que j’avais perdue quand nous étions séparés, dit-elle en se blottissant contre lui. Terry, je peux te faire un court rappel de l’un des pires moments de ma vie? Et de l’évolution de mes ressentis?

-Certainement, tout ce que tu me dis m’aidera à mon tour à gérer tout cela.

Elle releva son corps pour lui faire face, gardant ses mains chaudes dans les siennes.

-Tu le sais déjà, mais… Voici quand même. J’ai été brisée le jour d’où l’on s’est quitté. C’est comme si une partie joyeuse de moi s’était éteinte à ce moment. J’étais abattue, je me demande même comment j’ai eu la force de me rendre à la gare et m’acheter un billet de train. Je voulais mourir. Te perdre était la pire chose qui me soit arrivée. Car bien qu’on s’était promis d’être heureux, je savais qu’une partie de moi resterait à jamais à New York avec toi, ma partie insouciante et légère… Pendant le voyage en train, il neigeait, et je suis sortie pour prendre de l’air. J’étouffais, j’étais complètement anéantie. Je suis presque tombée en bas du train mais par une chance inouïe j’avais eu le temps de rentrer à l’intérieur du wagon avant de perdre connaissance. Je ne me souviens de rien avant de voir Annie et Patty à mon chevet à mon réveil, inquiètes, et infiniment tristes. C’est à ce moment que j’ai appris le départ d’Alistair. En quelques jours j’avais perdu l’amour de ma vie et mon cousin si drôle et bien-aimé. Albert m’a supportée dans ces moments difficiles. Mes amis aussi. Je n’en garde que très peu de souvenirs.

-Nous avons tous les deux soufferts terriblement de cette perte, ma douce.

-Oui… Et nous avons tous les deux appris de cela, n’est-ce pas?

Il essuya la larme qui s’était échappée de son œil, et la serra très fort contre lui.

-Cela ne veut pas dire que si ça se reproduit, ce sera facile, laissa-t-il échapper lentement.

-Non, tout ce que cela veut dire, c’est que rien ne sert de penser à ce qui viendra demain, car cela n’apporte que souffrances et désillusions. L’important, c’est de vivre ce qu’on a à vivre, ici et maintenant.

-Je sais cela. Je l’oublie parfois.

-Regarde-moi, dit-elle, car elle voulait connecter avec son âme, par la profondeur de ses yeux.

Elle prit une profonde inspiration avant de continuer, souhaitant se remplir de la force de ce souffle de vie.

-Nous avons tous les deux connu de grandes brisures dans nos vies, qui nous ont blessés. Mais tu sais quoi? Je pense que c’est aussi cela qui nous a rendus plus forts, plus résilients, plus prêts à vivre la vie telle qu’on l’entend! On a prouvé à la vie que peu importe ce qui arrive, on est capable d’y faire face. Toi tu fais un métier qui te passionne, et moi aussi. On a la chance d’être ensemble aujourd’hui, n’est-ce pas merveilleux? Il n’y a pas si longtemps, cette perspective n’existait même pas dans ma réalité! Je sais dorénavant que mon amour pour toi est plus puissant que tout le reste. Et ton amour pour moi doit te permettre de survivre et de continuer à éblouir tous les gens qui viennent te voir au théâtre.

-Candy, je ne souhaite pas envisager cela. Pas maintenant. Laisse-moi juste… te respirer.

-Ce que je veux dire, c’est qu’à partir de ce moment de notre séparation, c’est comme si l’espoir s’était estompé de mon cœur, et qu’il s’était résigné à vivre à moitié, comme s’il avait accepté l’inacceptable, que toi et moi, c’était vain, terminé. Cela m’a laissé une marque profonde, et ça m’a pris du temps m’en remettre. Je pense qu’encore aujourd’hui, j’en ressens des séquelles. De moins en moins, mais elles restent tapies dans l’ombre, prêtes à ressurgir dès qu’il se passe quelque chose qui m’atteint. Suite à notre séparation, j’ai dû me résigner à réapprendre à faire mes journées, une après l’autre, comme un éternel recommencement à chaque jour, des mêmes corvées, des mêmes gestes repris jour après jour… J’ai réappris à apprécier les petits bonheurs de la vie, à la Maison Pony, entourée de petites frimousses qui ne m’ont pas laissée me morfondre sur mon sort, car le leur était parfois encore moins enviable que le mien. J’ai trouvé mon bonheur dans les petites choses et cela m’a redonné la force de continuer sans toi. Depuis plusieurs mois maintenant que je vis avec ce diagnostic qui pèse sur moi, ma vision a changé. Oui, j’y ai cru à cette lettre, oui j’ai pris le diagnostic et je l’ai rendu le mien, mais tu sais quoi? C’est aussi grâce à cela que je suis sortie de ma coquille dans laquelle je me cachais pour ne plus être blessée, que j’ai osé dépasser mes peurs, faire des choses que je ne faisais plus et de vivre ma vie, malgré tout. Car si j’ai accepté l’invitation de ta mère et son billet pour Hamlet, c’est pour cela, ne l’oublie pas. Je ne l’aurais pas fait autrement, c’est vraiment ce qui m’a poussée à accepter de me rendre à NY pour le cours de pédiatrie. J’ai fait tout cela avec au fond de mon cœur l’espoir de te revoir qui avait été réveillé par cette lettre du médecin. C’est cet espoir qui m’a redonné l’élan de choisir ma vie plutôt que de la subir. Mais tu sais déjà tout ceci.

-Oui, tu m’en as parlé, mais cela me fait du bien de te réentendre, et sûrement que toi aussi tu dois en parler pour t’en libérer.

-Je tenais tant à te dire de vive voix ce que tu représentais encore pour moi. Je voulais te dire mon amour pour que tu saches que je t’avais aimé depuis le tout début, quand on s’est rencontrés, et que tu es l’être qui m’a le plus ému, le plus troublé, et que je t’aimais. Même si pour cela, je devais confronter Susanne et renoncer à la promesse que je lui avais faite. J’étais même prête à te quêter de l’amour, pour passer le plus de temps avec toi avant ma fin… Grâce à Dieu, tu étais libre, tu m’aimais, et toi aussi tu voulais être avec moi! Depuis que je t’ai revu, j’ai l’impression que la vie vaut la joie d’être vécue. Plus je passe du temps avec toi , et plus ce désir de partager nos moments ensemble me comble de bonheur. Ma vision a changé. Je ne vois plus ce diagnostic comme une fatalité. Ce ne sont que des mots sur une feuille de papier, après tout. Je leur ai accordé beaucoup trop d’importance, tu ne crois pas?

-Je… je ne sais plus trop quoi penser.

-Ce qui est devenu le plus important pour moi, c’est de choisir de vivre tous nos moments avec la joie dans le cœur, simplement d’être ensemble, tu ne penses pas? Pour moi, c’est devenu cela. Découvrir la vie au jour le jour, avec toi, main dans la main. Ainsi, au moins, on créera de beaux souvenirs et on pourra se dire qu’on aura tout fait pour mériter notre bonheur.

-C’est une façon plus optimiste de voir cela. Je vais essayer de m’en rappeler pour mes prochains coups de cafard.

-Terry! J’ai assez parlé. Tu vas être en retard à ta pratique!

-J’étais en train de l’oublier!

Il lui donna un baiser sur le front et se releva prestement.

-En plus, Robert a dit qu’on allait faire la pièce au complet ce matin! Hier soir, le capitaine est passé au fumoir et il l’a invité à y assister. Tu vas venir aussi?

-D’accord. Je pensais m’esquiver ce matin, mais si le capitaine est là et que je suis exemptée des exercices, je vais y aller pour vous voir jouer.

-Je suis prêt dans deux minutes!

Quand il ressortit de la salle de bain, la discussion et le doux moment semblaient effacés, comme s’ils n’avaient pas eu lieu. Il était frais et dispos, prêt à déclamer avec émotion les affres de Hamlet. Ils se rendirent au petit salon où avaient lieu les pratiques.

Les acteurs s’étaient déjà installés pour commencer le premier acte quand Terry et Candy entrèrent. Malgré le soleil qui brillait dehors de ses multiples rayons, Robert avait refermé les rideaux encore une fois, pour recréer l’ambiance de la pièce, plutôt lugubre dans l’ensemble. La luminosité aurait juré avec les sempiternelles remises en question d’Hamlet et la teneur sombre des échanges. Ils avaient tassé tous les meubles pour se donner plus d’espace. Robert était content de pouvoir se produire devant un public, aussi restreint soit-il.

Le capitaine Brown était déjà sur place, ayant choisi d’accepter l’offre du directeur de la troupe Hathaway pendant que son Second le remplaçait à la barre. Eleonore, Iris et Arnold étaient assis avec lui, et une chaise à sa gauche attendait Candy. Candy se faufila entre le Capitaine et Arnold.

La pièce commença presque aussitôt. Les acteurs s’en donnèrent à cœur joie, cela faisait déjà quelques jours qu’ils ne l’avaient pas jouée en entier. Candy était à chaque fois considérablement troublée de voir son mari devenir quelqu’un d’autre, l’espace de quelques heures. Elle fut à nouveau époustouflée par son talent et sa capacité à faire abstraction de tout le reste pour jouer son rôle. Elle était contente de constater que sa tristesse de ce matin s’était volatilisée dès qu’il avait commencé à déclamer son texte. Car dans le monde d’Hamlet, il n’avait pas à faire face à la maladie, seulement à la haine, à la traîtrise et à la folie, qui étaient loin de son quotidien.

Dès qu’ils eurent terminé, le capitaine se leva debout pour les applaudir chaudement, suivi des autres spectateurs, tous éblouis par le talent des acteurs.

-C’était magistral! Même si l’effet est différent quand vous êtes sans vos costumes.

-C’est certain, capitaine, quand on ajoute les lumières, les bruiteurs, et les décors, cela recrée la vie de château de manière encore plus spectaculaire, lui dit Philippe.

Quelqu’un cogna à la porte. Le Second entra.

-Ah Colin! Vous avez manqué toute une représentation! C’est dommage que l’on n’ait pas pu y assister tous les deux en même temps.

-Je l’ai déjà vu, vous vous souvenez à notre escale à New York en Octobre dernier?

-Oui, c’est vrai. Mais vous admettrez qu’une présentation intime comme celle que je viens de voir, c’est autre chose!

-Sûrement, dit l’homme avec sérieux. Je suis désolé de couper court à votre pause, mais je dois absolument vous demander de venir me rejoindre.

-Que se passe-t-il, Capitaine? s’enquit Susanne, inquiète. Cela fait deux fois en deux jours que vous devez voir à quelque chose.

-Tout va bien. Ce sont des signaux radios que l’on a reçus et qui doivent être interprétés. Merci à vous tous pour ce magnifique moment passé à admirer votre grand talent. J’étais tellement pris dans la pièce que j’en avais oublié que j’étais au travail!

Le capitaine suivit son Second et Robert proposa à sa troupe de prendre une petite pause, leur spécifiant qu’ensuite la pratique reprendrait jusqu’au dîner.

À la fin de la pause, Candy les salua avant de partir.

-Tu nous quittes déjà?

-Tu t’en vas toujours à la pause, tu ne veux pas rester avec nous?

-Ce n’est pas cela, c’est juste que…

-Candy a besoin de temps à elle, leur dit Terry. Ne le prenez pas personnel.

-Je vais aller marcher. Il fait très beau ce matin, et je veux en profiter. Les journées passent très vite sur ce navire, vous ne trouvez pas?

-Oui, tu dis vrai. On est déjà rendus à moitié chemin! dit Karen. Je te comprends, Candy, de vouloir prendre de l’air. C’est vrai qu’on est assez intenses, à la longue!

-Ce n’est pas vous, démentit aussitôt Candy. N’allez pas penser cela. Je vous trouve tous bien attachant, et j’aime pouvoir participer aux activités avec vous, un certain temps. Ça me demande beaucoup, vous savez! Ce n’est pas naturel pour moi.

-Tu es toute pardonnée, lui dit Robert. Va prendre ta marche, pendant que nous on va continuer.

Terry la serra dans ses bras et la laissa partir. Il la connaissait bien, et préférait qu’elle fasse ce dont elle avait besoin pour se sentir bien. Il savait que c’était nécessaire pour elle de refaire contact avec la nature à chaque jour.

Eleonore la serra dans ses bras à son tour.

-À ce midi, douce Candy!

Elle continuait de les observer, et ne pouvait se soustraire à ce sentiment de tristesse et d’impuissance qu’ils dégageaient, et qui la dérangeait. Elle leur en avait parlé. Elle ne pouvait rien faire de plus que de prier pour eux que ce sombre nuage qui leur planait dessus se dissipe bientôt.

-Eleonore! Referme la porte et viens ici! lança Robert. Je voudrais que tu nous parles de ce que tu as vu ce matin dans la pièce.




********






Eliza se leva tôt ce matin-là. Elle passa en revue sa planification pour la journée. Tout était en ordre et se passerait bien. Il le fallait. Il lui restait à peine assez d’argent de la vente du bracelet de Henry pour une autre nuitée, sans compter un repas. Elle avait tergiversé assez longtemps. Il était venu le temps de passer à l’action. Au moins elle aurait l’impression d’avancer plutôt que de continuer à faire ce sur-place qui lui avait été imposé par les circonstances. Il lui fallait ramener la providence de son bord.

Elle avait pris sa douche, lavé ses cheveux coupés courts à la garçonne qui lui donnaient un air coquine et s’était préparée lentement, souhaitant camoufler tous ses traits qui pourraient la faire reconnaître. Elle devait passer inaperçue. Elle enfila sa perruque noire dénichée par hasard chez le coiffeur qui lui avait coupé les cheveux. Elle fit la grimace en voyant sa réflexion, se trouvant des airs d’Annie Cornwell, l’autre sainte-nitouche orpheline arriviste. Elle continua de se préparer minutieusement, finissant son maquillage léger par un grain de beauté sur le côté du menton. Heureusement, le bleu sur sa joue s’était résorbé depuis longtemps.

Elle admira sa métamorphose dans la glace. Elle était méconnaissable. Elle se trouva même assez jolie. Il n’y avait aucune chance que les gens de la maison la reconnaissent ainsi parée. Elle comptait se faire passer pour une domestique de la rousse. On n’y verrait que du feu. Elle en avait assez d’être réduite à l’état de jouer la pauvresse. Bientôt elle réintègrerait les rangs de la richesse. Et plus jamais, elle ne serait rabaissée à cet état de misère, se promit-elle. Et je n’aurai pas à marier un lord rabougri et pervers pour m’en sortir, non plus.

Elle ramassa toutes ses choses en vidant les tiroirs de l’unique commode de sa chambre d’hôtel. Caché sous ses maigres possessions, elle trouva le magazine tout replié qu’elle avait piqué avant de se sauver de la maison d’aide et dont elle avait complètement oublié l’existence. Les visages souriants de Candy et Terry lui sautèrent aux yeux de la page titre et elle grogna de rage.

-Oh ces deux-là! grommela-t-elle. Comme je les déteste! Si seulement Henry et moi avions réussi à les garder séparés, tout ceci ne serait pas arrivé!

Il était plus facile pour elle de continuer de blâmer la blonde pour tous ses malheurs que de voir le rôle qu’elle avait elle-même joué pour sa démise. Elle n’avait pas le temps de le lire maintenant. Elle fut tentée de le jeter mais décida de le garder pour plus tard, quand elle serait en lieu sûr. Elle le fourra sans ménagement dans le sac informe qu’elle s’était procuré à rabais. Elle y avait mis toutes ses possessions accumulées depuis sa fuite. Peu de choses, à vrai dire. C’étaient des vêtements et accessoires dont elle se départirait le plus rapidement possible en retrouvant sa garde-robe et sa vie d’antan. Si tout allait comme elle l’avait planifié, elle serait bien au chaud entre les draps de son lit confortable et moelleux de la 5e avenue ce soir même.

Après avoir enfilé son manteau et ses gants, la jeune femme prit soin de bien resserrer l’écharpe qui cachait sa blessure autour de son cou, afin de ne pas attirer l’attention dessus. Enfin prête, elle sortit de l’hôtel et héla un taxi à l’entrée. Elle s’engouffra dans le premier qui se présenta et demanda la maison d’aide dans le quartier du Lower Manhattan.

-Ça vous dit quelque chose? La connaissez-vous?

-Ah! Si! sourit l’homme aux tempes grisonnantes à l’accent italien. Paolo y travaille parfois!

Paolo? Pourquoi ce nom lui disait-il quelque chose? Elle fouilla sa mémoire trouée par la brume de ses premiers jours de fièvre et un visage soucieux lui apparut. N’était-ce pas le prénom de celui qui l’avait sauvée in extremis des sbires de Vincenzo quand elle avait tenté de retourner à leur appartement?

-Votre Paolo, serait-il aussi chauffeur de taxi?

-Si, signora. C’est mon petit cousin.

Quelles étaient les chances qu’elle tombe sur quelqu’un qui savait de quoi elle parlait? Eliza sourit à l’homme.

-Amenez-moi là-bas, s’il-vous-plaît.

Sa chance était en train de tourner. Elle le sentait. Elle allait enfin pouvoir revivre.

Le parcours se fit rapidement, comme si même le trafic se tassait pour la laisser passer. Elle remercia l’homme, paya la note et descendit du taxi. La voiture redémarra pendant qu’elle s’avançait lentement vers la bâtisse de briques blanches devant elle, son cœur battant la chamade, avec son fourre-tout sous le bras. Du coin de l’œil, elle aperçut un homme dont la silhouette lui était familière. Elle ralentit le pas et se tourna de côté, par réflexe, pour ne pas être vue. Il venait de débarquer d’un véhicule noir qui ne lui était pas inconnu non plus. Elle l’entendit préciser au chauffeur de repasser le chercher dans une heure. L’automobile repartit, et l’homme grimpa les marches, puis pénétra à l’intérieur du bâtiment par les larges portes doubles en bois, traînant son porte-documents noir avec lui. Cela prit quelques secondes supplémentaires à Eliza pour le reconnaître. Horrifiée, elle recula de quelques pas, et fit mine de se diriger vers l’autre immeuble plus loin.

-Mais… Qu’est-ce qu’il fait là, lui? marmonna-t-elle tout bas, soudainement prise de panique en constatant que Georges Johnson venait de passer à quelques pas d’elle, lui damant le pion.

Elle regarda des deux côtés de la rue, se demandant où elle pouvait aller pour revoir sa planification. Ce recul la déstabilisa momentanément. Elle resta plantée là, à se demander ce qu’elle allait faire maintenant? Elle ne pouvait pas renoncer si près du but. Elle devait récupérer sa sacoche et la clé de l’appartement! Elle entra dans un bistrot un peu plus loin et leur commanda un thé et un scone, ce qui coûtait le moins cher sur le menu. Elle picora la pâtisserie et décida de s’y terrer une heure à attendre son tour, tapie dans l’ombre, réévaluant sa stratégie. Devait-elle voir ceci comme un mauvais présage? Devait-elle rester fidèle à son plan et quand même aller à la maison après l’homme de main des André, afin de récupérer ses trucs à elle, et se faire passer pour la domestique comme elle l’avait prévu au départ?




********






Candy était retournée à leur cabine pour y chercher son manteau. Il ventait toujours sur le pont. Elle mit son béret, son foulard, ses gants et ses bottes, puis sortit sur la promenade. Elle déambula lentement, prenant le temps d’inspirer la bonne brise marine. Le soleil s’élevait dans un ciel clair et immense. Elle regarda vers l’est et y vit des nuages qui s’amoncelaient, brisant avec la monotonie du bleu à perte de vue. Elle était rendue sur le pont supérieur, près des salles de commandes, quand elle fut surprise par deux chats qui se couraient après. Elle reconnut Tux et le salua, mais il l’ignora, trop occupé à pourchasser son congénère.

-Et bien, dis donc! Il y a de la bisbille dans l’air!

Elle continua son chemin et vit le Capitaine Brown en discussion animée avec son Second, gesticulant, le regard vers l’est. Elle leur dit bonjour et allait poursuivre sa marche quand elle surprit certains de leurs propos. Intriguée, elle s’approcha d’eux et leur demanda si elle avait bien entendu.

-Vous dites qu’il y aura bientôt un orage?

-Ne vous alarmez pas pour cela, Mme Candy. Je vous l’avais dit, il est commun pendant une traversée d’en avoir. Deux navires différents viennent de le croiser et nous ont avertis par radio. Nous étudierons l’évolution des nuages dans les prochaines heures. Nous sommes encore bien loin de la latitude précisée, bien que si vous regardez à l’est, vous apercevrez la masse nuageuse au loin. Il arrive parfois que les orages bifurquent de notre trajectoire avant qu’on y arrive et qu’on ne le rencontre pas, tout dépend de leur taille. Il n’y a aucune raison de vous inquiéter.

-Je viens justement de croiser Tux et un compagnon qui semblaient tous deux assez énervés.

-Ils le pressentent à chaque fois. C’est le meilleur avertissement que l’on puisse avoir!

-Comptez-vous en avertir les passagers?

-S’il y a lieu de le faire pour leur sécurité, nous le ferons, dit le Second.

-Mais nous préférons en avoir la certitude plutôt que les inquiéter pour rien, renchérit le Capitaine. Pour l’instant, l’orage est encore trop loin.

-Si nous devons le traverser, cela ne durera que quelques heures, tout au plus. On peut aussi toucher seulement sa périphérie aussi. Si on est chanceux, on le passera au courant de la nuit et vous ne vous en rendrez même pas compte.

-Peut-être sentirez-vous plus de houle que d’habitude si vous venez à vous réveiller. Si vous restez tranquille dans votre cabine, tout se passera bien.

-Surtout, ne vous tracassez pas pour cela.

-Merci de vos précisions. Je vous fais confiance. J’étais simplement curieuse quand je vous ai entendus.

Candy poursuivit sa promenade, et se dit qu’ils allaient bien s’occuper d’eux. Ses pensées l’amenèrent ailleurs et ses pas la poussèrent vers le Véranda Café. Elle décida d’y entrer et s’y asseoir pour reprendre son souffle avant de retourner porter son manteau à sa cabine. D’ici, le ciel qu’elle apercevait était d’un bleu pur plutôt rassurant. Après quelques minutes, elle se releva pour rejoindre Terry et la troupe pour le repas du midi.




********






Peu après le dîner et une courte sieste, Terry avait proposé à Candy de profiter du mini-concert pour faire une séance d’observation, pour leur changer les idées. Il avait l’habitude de s’adonner à cette activité à l’occasion. Cela faisait des semaines qu’il n’avait pas pu le faire, depuis son départ de New York avant leur mariage.

-Le meilleur truc que je peux te donner, lui dit-il en retournant vers la salle à manger, c’est de trouver un endroit où on peut voir sans être vu, tu comprends? Allons nous asseoir à une table un peu en retrait, je vais t’expliquer comment je procède.

Ils choisirent une table au deuxième étage de la grande salle, près de la balustrade qui surplombait les convives assis en bas. Leur table était à côté d’une colonne de soutien décorée avec des guirlandes. Cet après-midi, le mini-concert qui y était présenté mettait en vedette un quatuor à cordes : deux violons, un alto et un violoncelle, qui avait commencé à jouer son répertoire de pièces classiques. La salle était bondée de passagers souhaitant passer un bon moment musical. Terry avait tiré sa chaise pour être le plus près possible d’elle, lui permettant de lui parler tout bas. Sur fond d’un morceau ludique de Mozart, il se pencha près d’elle, si près que le souffle de sa voix lui chatouilla l’oreille et le cou.

-Tu vois? L’homme là-bas, en complet marron? Celui avec les gros sourcils? Et bien, on remarque tout de suite qu’il n’est pas du tout intéressé par sa femme qui l’accompagne, mais plutôt par l’autre femme attablée à l’extrême opposé du couple, celle qui a l’air distinguée et qui est vêtue d’une robe beige plus moderne. C’est flagrant, il devrait être plus discret.

-Oh, Terry! Comment peux-tu penser à cela simplement en les regardant? s’étonna Candy.

-Ça me paraît évident. Il ne cesse de porter son regard de l’autre côté de la salle. Tu vois comme moi l’air pincé de sa pauvre femme qui reste avec lui et ses mauvais plis depuis toutes ces années…

-Alors que lui en apprécie une autre plutôt que de la remercier de sa loyauté! Non, je n’aime pas imaginer que ce puisse être possible. C’est trop triste! Je n’arrive pas à concevoir cela.

-Les gens ne sont pas tous fidèles et intègres que toi, ma biche. Et ça prend toutes sortes de monde pour faire un monde.

-Tu me parles de tes impressions en observant ses gestes ou si c’est ton imagination qui est trop fertile?

Terry se pencha vers elle et lui chuchota à l’oreille,

-Cet homme était au fumoir hier soir, et il se vantait de sa conquête.

-Oh! Tu as triché! s’exclama Candy en le repoussant alors qu’il haussait les épaules en riant silencieusement.

-Si tu te voyais l’air, mon petit caniche adoré, ça en valait la peine! dit-il en lui serrant la main pendant qu’elle faisait mine de l’ignorer.

-C’est quand même horrible ce que tu viens de me raconter! Je préfère me concentrer sur la musique.

Candy ferma les yeux pour apprécier la fin de la mélodie. Elle sursauta lorsqu’une salve d’applaudissements et des bravos retentirent dans la grande salle. Ouvrant les yeux, elle vit les gens qui appréciaient et qui prenaient plaisir à ce concert impromptu, comme eux. Sans attendre, le quatuor attaqua une nouvelle pièce au tempo pianissimo. Le son plaintif des violons s’éleva à nouveau vers la coupole beige aux bords dorés au-dessus d’eux pour redescendre et s’éparpiller dans la pièce, résonnant jusque dans les cœurs des auditeurs. Candy soupira de bien-être, se laissant imprégner des vibrations et sonorités majestueux provenant des instruments. À la pause, elle se tourna vers Terry.

-C’est si merveilleux ce concert! Je suis contente que nous soyons venus.

-As-tu déjà pensé comme la musique est un langage universel?

-Que veux-tu dire?

-Peu importe la langue qu’on parle, les instruments ont leur propre langage et on peut tous le comprendre et surtout, l’apprécier.

-C’est tellement vrai. La musique a cette manière de nous transporter dans un espace magique, où on se laisse imprégner par les sons, et où on l’on peut reprendre contact avec nos rêves, dit-elle. Un peu comme je me sens quand tu me racontes tes histoires…

-Wow, Candy, je te fais le même effet qu’un concert de musique? C’est tout un compliment!

-Terry, quand je suis avec toi, je me sens bien et sereine, je me sens comme si plus rien de mal ne pouvait m’arriver. Et entendre ta voix mélodieuse est pour moi la plus captivante des musiques. N’est-ce pas mieux qu’un concert?

Terry l’admira avec des yeux humides, touché par ses propos, et reconnaissant qu’il ait cet effet apaisant sur elle.

-Et bien, c’est réciproque, ma douce. Tu me fais aussi un effet semblable.

Sentant son émotion profonde, elle voulut lui alléger l’esprit.

-Maintenant, que dirais-tu de me raconter plutôt des belles histoires, comme pour… Disons celui-là là-bas? Le beau grand jeune homme appuyé contre la balustrade, murmura-t-elle en pointant discrètement un jeune homme bien mis mais qui paraissait plutôt stressé.

-Lui? Oh… Taches de son! Pourquoi tu me demandes pour lui? fit Terry en roulant des yeux. Tu le vois comme moi qu’il est tellement coincé dans son costume, que ça paraît qu’il n’a jamais ri une seule fois dans sa vie!

Candy pouffa de rire, se cachant derrière ses mains, essayant de ne rien laisser paraître.

-Terry!

-La posture dit tout! Son non-verbal est tellement révélateur. Tu le vois comme moi qu’il est raide comme un piquet. Il s’est installé à l’écart, pour avoir une vue sur l’ensemble, près d’une sortie pour pouvoir quitter rapidement en douce à tout moment, et…

-Tu es incorrigible! Ne vois-tu que du négatif autour de toi?

-Et bien, dis donc! continua Terry comme si elle ne l’avait pas interrompu. Il vient d’ouvrir un livre pour lire. Il se coupe de l’extérieur, tout en continuant d’observer les gens à couvert, mine de rien. C’est un génie! Même moi je n’avais pas pensé faire cela!

-Signe qu’on peut apprendre de n’importe qui…

-Attends un peu, trouvons d’autres cobayes pour se prêter à notre jeu.

-Mais… Le concert va recommencer!

-On peut apprécier la musique en même temps…

Il regarda autour d’eux les gens qui reprenaient leurs places pendant que les musiciens s’installaient pour recommencer à jouer. Il était resté assis bien sagement, et poursuivait sur sa lancée.

-Ah, voilà, Candy, tu vois ce vieil homme, là, assis seul à sa table, perdu dans ses pensées, un léger sourire sur les lèvres? Remarques-tu la sérénité qu’il dégage? Il profite de cette croisière après avoir trimé dur toute sa vie. On le voit par ses mains rudes et les ridules sur son front. Il s’en va retrouver ses frères et sœurs qu’il a laissés derrière pour refaire sa vie ailleurs. Et la belle musique l’a rendu nostalgique de ses jeunes années…

Dans la deuxième partie, les musiciens enchaînèrent une mélodie après l’autre, alors que Terry continua de chuchoter ses observations de temps à autre à Candy qui l’écoutait d’une oreille un peu distraite. Lorsque les instruments se turent, les musiciens demandèrent aux gens de proposer des demandes spéciales et jouèrent quelques morceaux prisés supplémentaires. Ensuite, ils firent leur révérence en remerciant tous ceux qui avaient assisté. Le brouhaha des voix s’éleva et la majorité des gens quittèrent la salle.

-Attends, cette fois, c’est à mon tour! dit Candy en cherchant discrètement une cible autour d’eux parmi les passagers restants. Tu as vu cette jeune femme qui vient de passer devant nous? Elle est jeune, elle est belle, et elle trépigne d’impatience à l’idée de retrouver l’amour de sa vie, son fiancé qui l’attend de l’autre côté de l’océan. Son effervescence est visible juste dans la façon qu’elle se tortille les doigts en marchant. Elle a un sourire rêveur, car en ce moment, elle ne fait que penser à leurs retrouvailles dans quelques jours.

-Tu vois? Toi aussi tu es capable, avoua Terry, impressionné.

-C’est parce que je le sais. Je l’ai entendue en parler avec sa voisine au dîner! dit-elle en lui tirant la langue.

-Oh là, tu m’as eu! Tu pouvais bien t’insurger pour mon petit monsieur infidèle tantôt! clama-t-il, faussement outré.

-Au moins, moi c’était une belle histoire!

Candy rit et ses yeux pétillèrent de plaisir quand soudain une ombre assombrit son visage.

-A quoi viens-tu de penser?

-Tu crois que c’est mal de s’imaginer des choses sur les gens, comme cela?

-Que vas-tu penser là? A-t-on fait du mal à quelqu’un?

-Non, mais…

-T’es-tu amusée?

-Oui…

-Tant qu’on ne se met pas à les croire, c’est sans danger!

-Tu es si drôle, Terry, et un fin observateur. J’aime tellement t’entendre élaborer des théories sur tous ces gens, et ça me fait rire. Tu devrais mettre ta propension à imaginer à profit dans tes écrits!

-C’est précisément ce que je fais. Je m’inspire des notes que je prends en observant les gens. C’est un passe-temps amusant. Je le fais depuis des années. J’ai commencé à mon retour de Rockstown. C’est ce qui m’a permis de ne plus trop prendre la vie au sérieux. De plus, cela m’aide encore énormément pour le développement des personnages que je joue. C’est en les observant que je vois leurs tics, leurs manies et parfois j’acquiers des trucs que je peux ensuite intégrer dans mon jeu afin de rendre mes personnages plus vrais que nature.

-En effet, c’est un excellent exercice, mais tu te doutes sûrement de ce que moi, je préfère?

-J’ai ma petite idée, vas-y.

-J’aime bien leur parler aux gens, les questionner, entretenir un dialogue avec eux, me permettant d’apprendre à les connaître, ainsi que leurs vécus, leurs passions, leurs rêves…. C’est parfois aux travers des conversations que j’apprends ce qui pourrait venir en aide à d’autres.

-C’est sûr, tu es infirmière, tu dois aussi savoir comment pensent les gens. Et tu as toujours été plus sociable que moi au départ. Mais tu sauras qu’il m’arrive aussi de faire cela, par moments, quand je suis incognito.

-On en apprend tellement sur une personne quand on prend le temps de converser, et pas que pour des banalités! Chacun a son histoire, ses points forts et ses faiblesses, ses bons coups et ses blocages… C’était la même chose avec mes patients. Je me faisais continuellement admonester par Flannie, parce que je prenais le temps de m’asseoir avec eux pour leur parler. Les autres me réprimandaient car on avait des tâches à effectuer, mais moi j’ai toujours trouvé que de prendre le temps de les connaître avait un effet calmant sur eux. Cela les aidait à se sentir en sécurité et en confiance avec moi, ce qui a souvent eu pour effet d’accélérer leur guérison. Lorsque quelqu’un se sent écouté et épaulé dans sa souffrance, il va mieux instantanément. Un jour ce sera prouvé. De plus, ainsi on obtient plus d’informations que si on fait juste se cacher pour les épier et extrapoler.

-Tu me fais la morale, maintenant?

-Non, je te dis mes préférences à moi. Mais toi, tu exerces ton imagination, ce qui est aussi fabuleux. Sais-tu une autre activité que j’aime aussi beaucoup?

Terry releva un sourcil, intrigué.

-C’est de t’écouter jouer du piano, avoua-t-elle en lui faisant des yeux doux.

-Tu as raison, chérie, on est dus pour une petite pratique, et si on est chanceux, il y en aura un de libre. Viens… dit-il en l’entraînant vers la sortie.

Le piano de première classe étant occupé, ils prirent l’ascenseur pour se rendre à l’étage inférieur de la salle de musique de seconde classe où ils avaient joué quelques jours plus tôt. Terry s’installa sur le banc libre à côté de Candy et ils jouèrent leurs pièces communes. Ensuite, quand elle eut épuisé son petit répertoire, lui continua à pianoter un air joyeux de ragtime pour le plus grand plaisir des passagers qui lui en réclamèrent aussitôt un autre, dès qu’il compléta son morceau.

Il joua plusieurs pièces de styles différents, sous les acclamations des passagers assis dans la salle. Quand ses doigts réclamèrent une pause, il se leva pour laisser le banc à une enfant qui s’était plantée à côté d’eux et qui observait ses longs doigts courir sur les touches avec une aisance déconcertante.

-C’était magnifique, Monsieur! Un jour, je veux être aussi bonne que vous!

-Tout ce que ça va te prendre, petite, c’est de la pratique, et tu y arriveras! Je te cède volontiers ma place. Amuse-toi, c’est le principal.

Elle lui sourit et entama une version allégée de la Sonate au clair de lune de Beethoven, suivie d’une autre version de Für Elise. Elle avait du talent, pour son âge.

Terry salua tout le monde et allait sortir de la salle, son bras enserrant la taille de Candy, quand la vieille dame aux cheveux blancs qu’ils avaient croisée à leur dernier passage y entra.

-Vous! s’exclama-t-elle en ouvrant de grands yeux. Je me suis rappelée où je vous avais déjà vu!

-Ah! Je suis démasqué! dit Terry, en faisant mine d’être atterré. Chut! Surtout ne dévoilez pas mon secret!

Il mit son doigt sur sa bouche pour lui signaler de ne rien divulguer.

-Oh… fit la dame d’un ton penaud, je m’excuse, mon grand, je n’ai pas pu m’empêcher de le dire à mes amies…

Deux autres vieilles dames entrèrent à leur tour et s’arrêtèrent net en l’apercevant. Elles eurent chacune une réaction de stupeur, suivie d’un grand sourire. La dame avec qui il avait parlé resta en retrait.

-Dites donc, ça vous dirait de prendre une collation avec nous?

Terry regarda Candy qui lui fit signe que oui du regard.

-C’est votre jour de chance, ma femme accepte! dit-il en riant. D’habitude, elle refuse de me partager. Voyez-vous, nous sommes jeunes mariés.

Les dames gloussèrent en les regardant. Ils s’assirent tous à table et Candy se proposa d’aller leur chercher des grignotines.

-Oh, c’est dommage, on a manqué votre prestation. Dites-donc, vous savez tout faire, M. Graham! Acteur, musicien…

-J’ai été éduqué en musique depuis ma tendre enfance. Pour le théâtre, c’est venu bien plus tard.

-Ah! Si seulement je pouvais encore jouer! se lamenta la dame, je vous aurais montré. J’avais une bonne maîtrise en piano classique.
Ils parlèrent de musique pendant quelques minutes, puis les dames s’intéressèrent à Candy. En apprenant que celle-ci avait une formation d’infirmière, elles se mirent à lui parler de leurs petits malaises. Candy leur suggéra des baumes et pommades ainsi que certains exercices pour aider leurs douleurs rhumatismales. Bientôt Terry lui fit un signe discret, lui rappelant qu’il était l’heure de prendre congé pour aller rejoindre les autres membres de la troupe à la table du Capitaine.




********






-Bien le bonjour, M. Johnson! lui dit Alice en lui ouvrant la porte. Vous arrivez pile à l’heure du rendez-vous! Venez, entrez, ôtez votre manteau. Comment allez-vous?

-Je vais bien, et vous?

-Oh! Je suis tellement excitée! Si vous saviez comme ces dernières semaines ont aidé à nous donner un nouveau souffle! Les rencontres avec Candy, et surtout votre dernière visite à tous les deux. J’ai annoncé à tous nos employés que vous alliez racheter la maison et créer la fondation. Ils étaient très emballés. Vous seriez surpris du nombre de gens qui se sont offerts pour faire certains petits travaux de menuiserie, de peinture, et beaucoup d’autres choses, maintenant qu’on aura des fonds pour les payer. C’était vraiment l’investissement financier qui nous faisait défaut. Même si j’avais déjà établi un budget avant l’intérêt de Candy pour son projet avec la maison, j’ai dû le réviser avec les nouvelles possibilités que cela apportait. Je peux vous confirmer que c’était très différent d’additionner des colonnes positives pour une fois! Enfin, on va avoir la capacité de mener nos projets à terme, car on voit grand pour cette maison.

Alice était vraiment heureuse d’accueillir cet homme qu’elle considérait comme un des principaux bienfaiteurs de la Maison. Elle voulait lui partager son bonheur de voir enfin des changements et des améliorations dans cet endroit qui lui tenait à cœur. Elle souhaitait le succès de cet espace sécuritaire pour les femmes démunies et leurs familles. Pendant qu’il l’écoutait parler, Georges avait retiré son manteau pour le suspendre sur un cintre dans la garde-robe du vestibule.

-J’ai d’ailleurs trouvé de la tapisserie à rabais, continua-t-elle, des rouleaux qui ont été retournés pour un caprice de dame riche. Ils seront parfaits pour installer dans l’entrée.

-Comme quoi le malheur des uns fait le bonheur des autres.

-Oui, et nous devrions y voir avant Noël. J’attendais votre venue pour pouvoir le faire, car pour l’instant, les fonds… Et bien, ne restons pas ici!

Elle le dirigea vers le long corridor sombre qui menait à ce qui faisait office de bureau.

-Prendriez-vous un thé?

-Avec plaisir.

-Allez donc vous installer dans la chambre verte, en attendant, celle de votre dernière visite. C’est juste ici, dit-elle en pointant une porte en biais, à l’opposé du corridor. Je viendrai vous rejoindre dans quelques minutes.

Georges pénétra dans la pièce qui arborait une large table en son centre, un meuble secrétaire et quelques classeurs. Les moulures avaient besoin d’une couche de peinture et les tapisseries ici aussi d’un rafraîchissement. Il sortit les différents dossiers de la maison d’aide de son porte-documents pour les étaler sur la table, ainsi que quelques stylos pour apposer les signatures et prendre des notes. Il avait pensé à tout, mais il comptait le faire dans le bon ordre. Au centre de la table, il plaça la boîte remise par Robert Hathaway et l’enveloppe contenant l’argent de la bourse de Candy.

Alice revint bientôt, transportant un plateau sur lequel elle avait mis une théière, deux tasses avec soucoupes et quelques petits gâteaux, qu’elle déposa sur la table.

-Merci, comme c’est gentil. Ils ont l’air délicieux.

-C’est Bianca qui les a faits. Elle est une cuisinière hors pair. Elle aime bien gâter les résidents. Et nous aussi, par le fait même!

-Je vais y goûter, mais auparavant, j’aimerais qu’on s’occupe des dossiers.

-Bien sûr.

-Commençons par le début. J’ai fait faire les papiers nécessaires par le notaire qui s’occupe des entreprises André depuis des années. Celles-ci sont des copies notariées pour conserver dans vos dossiers. Ce sont les titres de propriété de la maison, ainsi que l’enregistrement de l’organisme à but non lucratif. Tout est en règle. J’ai aussi fait préparer certains documents nécessitant une signature de votre part, en tant que responsable principale de l’endroit, en l’absence de Mme Candy.

-Vous avez travaillé fort, M. Johnson!

-Nous avons été chanceux, tout a pu être fait avant son départ pour l’Angleterre.

-Tant mieux!

-Vous pouvez signer ici.

Alice prit le temps de relire le document et apposa sa signature.

-Voilà une bonne chose de faite!

-Maintenant, si vous le voulez bien, j’aimerais revoir avec vous votre bilan financier. J’imagine que l’établissement se portera mieux dès que vous détiendrez l’argent pour faire les multiples paiements?

-Depuis qu’on s’est vus il y a quelques jours et que j’ai eu votre confirmation que l’on pouvait aller de l’avant, cela nous a permis de respirer avec aisance côté monétaire. J’ai pu appeler nos fournisseurs pour leur en faire part, et effectuer à crédit quelques achats pour des fournitures médicales qui nous manquaient. C’est tellement apprécié! Voici le bilan, l’état de la situation fiscale, et tout. Plusieurs colonnes sont présentement dans le négatif, mais si vous regardez cet autre bilan que j’ai fait, en considérant le paiement des dettes, vous vous rendrez compte que l’on est en bien meilleure posture.

-Oui, c’est certain. Il y a quand même un certain redressement de plusieurs mois, ensuite vous repartirez sur de nouvelles bases. Cela me satisfait, je vois que vous savez compter et êtes bien ordonnée. De plus, votre enthousiasme pour le projet est si beau à voir.

Il fit une pause, et prit l’enveloppe et la boîte de métal grise dans ses mains.

-Candy vous remet sa bourse, que voici et que vous pourrez déposer dans le compte qui a été ouvert au nom de la maison. J’ai autre chose qui devrait aussi vous donner un très bon coup d’envoi. Par contre, je voudrais récupérer la boîte quand vous aurez terminé avec.

Il lui remit la boîte de métal contenant les dons amassés lors de la dernière de Hamlet, et toutes les recettes de la troupe, gracieuseté du directeur Robert Hathaway.

Les yeux d’Alice s’écarquillèrent de stupéfaction en ouvrant la boîte pleine jusqu’au ras-bord d’argent. Elle mit une main sur son cœur et s’exclama d’une voix émue,

-Doux Jésus! Il doit y en avoir pour des centaines de dollars!

-M. Hathaway a décidé de vous remettre toutes les recettes de la dernière représentation de Hamlet, ainsi que l’argent de charité récupéré à l’entrée, pour aider la fondation.

Alice fut une longue minute sans parler. Elle ne savait plus quoi dire. Elle tamponna ses yeux d’un mouchoir pour essuyer les larmes de gratitude qui s’écoulaient.

-Comme c’est… C’est inattendu! Et… tout bonnement providentiel! Oh! Vous imaginez tout ce qu’on pourra faire avec cet argent? Éponger les arrérages de location, payer toutes nos prochaines dépenses, pour enfin nous permettre de commencer nos rénovations! On n’attendait que les fonds. En plus, Bianca sait déjà qui contacter pour faire les gros travaux. Elle connaît des travailleurs de la construction.

-Il faudrait penser à terminer l’année fiscale en cours avant, comme il y a changement de vocation. Ce sera plus simple pour votre tenue de livres future.

-C’est déjà commencé.

-Avez-vous besoin d’aide?

-Le père de Mireille, une des filles qui travaille ici, est comptable. C’est lui qui s’en occupait jusqu’à présent.

-Avez-vous aussi pensé à de futures possibilités de levées de fonds pour aller chercher de l’argent supplémentaire?

-Nous en avons parlé ensemble, mais nous concentrerons là-dessus seulement au retour de Candy après les fêtes. Pour l’instant, je note nos idées, et nous verrons lesquelles nous utiliserons. Comme elle revient dans quelques semaines, nous tiendrons notre première réunion du comité avec elle.

-Je m’estime satisfait de ce qui a été accompli en si peu de temps. Je reviendrai pour la réunion du comité, et j’assisterai aux rencontres, du moins les premiers mois, pour m’assurer que cela fonctionne. À voir votre sens de l’organisation, je ne suis pas inquiet. Je suis certain que cette maison sera un succès en peu de temps. Félicitations. Sachez, Mlle Alice, que lorsque Candy m’a montré vos bilans, j’avais mes réserves quant à cet endroit. Votre ténacité est rassurante, et je vois que vous êtes aussi têtue qu’elle quand vous avez une idée en tête!

-Lorsque j’ai quelque chose à cœur, je fais tout ce que je peux pour obtenir gain de cause.

-C’est une attitude qui vous mènera loin.

-Merci à vous, Monsieur Johnson, votre présence dans les démarches a grandement facilité la transition. Moi qui croyais il y a quelques semaines que je devrais mettre la clé dans la porte, me voilà agréablement surprise!

-Je voudrais vérifier une dernière chose avec vous avant de partir. À vrai dire, j’avais une question concernant les gens que vous accueillez ici. J’imagine que ce sont majoritairement des femmes?

-Oui, en gros. Ce sont des jeunes femmes, mariées ou non, souvent immigrantes et dans un état de pauvreté, n’ayant pas les moyens ou de support autour d’elles. Certaines sont victimes d’abus ou de violence dans leur foyer. D’autres, c’est seulement qu’ils passent un mauvais moment et ont besoin de ressources. C’est arrivé qu’on reçoive des enfants. Pas plus tard qu’hier, une famille de quatre enfants sont venus sonner.

Georges se demanda si ce n’était pas ceux que Mme Candy avait dépannés en se rendant à la Maison samedi dernier.

-On fait ce qu’on peut, on leur offre des soins, une oreille attentive, parfois un peu d’argent si cela peut les aider.

-Je me demandais, si par hasard, vous auriez aidé une jeune dame de la haute, soit cette semaine ou la dernière qui vient de passer. Une belle rousse qui était blessée au cou, est-ce que cela vous dit quelque chose?

Alice tut son étonnement. Le mystère de la rouquine allait-il enfin être résolu? Elle prit son temps pour répondre.

-On a en effet eu une dame aux cheveux roux qui nous a été amenée récemment. On ignore jusqu’à son nom. Elle était inconsciente pour la majeure partie de sa visite, et dès qu’elle a pu se lever, elle est partie sans laisser d’adresse. Elle était encore fiévreuse. Dans sa hâte de se sauver, elle a laissé certains items, dont une sacoche, mais on la croit volée, car la jeune femme était habillée pauvrement. Et elle avait une balafre au cou qui suintait. Elle est partie avant qu’un médecin puisse l’ausculter.

-Cela concorde avec mes informations. Pourriez-vous me montrer ce qu’elle a laissé et me le donner afin que je lui rapporte?

-Attendez un instant. Elle a un nom, votre rouquine? demanda Alice, voulant s’assurer de ne pas remettre ses effets à n’importe qui.

-Eliza Legrand. Une jeune femme du début de la vingtaine, des cheveux roux, des yeux marrons en amande et un petit nez pointu. Elle fait à peu près votre taille et sa blessure était relativement fraîche, tout dépendant quand elle a séjourné ici. Elle a été blessée au début du mois.

-Selon votre description, cela semble être la même personne que l’on a recueillie ici en début de semaine dernière. Elle n’est restée qu’une journée. On la croyait endormie et elle en a profité pour se faufiler à l’extérieur. On n’a pu tirer aucune information d’elle. Donc elle a de la famille, et elle est bien nantie?

-Ses parents la recherchent depuis l’incident qui l’a portée à se sauver. Tout indice va nous éclairer.

-Cela me rassure. On craignait qu’elle soit seule au monde, sans le sou, aux prises avec un mari violent. Cela arrive si souvent dans ce milieu, malencontreusement. Je vais vous remettre ses choses, ils ne nous serviront pas ici et elle sera contente de les ravoir.

Bianca entra sur ces entrefaites, et s’arrêta en voyant l’air sérieux de Georges et les papiers devant lui. Elle fit mine de ressortir de la pièce quand Alice lui demanda d’aller chercher les items ayant appartenu à la rousse qui avait séjourné quelques jours avec eux.

Bianca revint rapidement transportant un bac sur lequel était inscrit perdu-oublié.

-Voici le bac. On a mis tous ses effets ensemble dans un sac. Son manteau, sa sacoche, ses vêtements, tout y est. Par contre… On a trouvé qui elle était?

-Elle s’appelle bien Eliza Legrand, selon M. Johnson. Elle est de la haute.

-Et bien votre Eliza, elle a beau être de la haute, elle ne s’est pas gênée, car elle est partie avec des vêtements qui ne lui appartenaient pas.

Georges sortit un billet de sa poche pour dédommager la Maison et les remercia. Il rassembla ses papiers, laissant les copies d’Alice sur la table. En se levant, il se tourna vers les deux femmes.

-J’y pense… Candy m’a envoyé un télégramme pour me mentionner le nom qu’elle a trouvé pour la fondation. Elle s’appelle la Maison Capucin.

-Quel drôle de nom! Vous savez d’où cela lui vient?

Georges lui raconta l’histoire du raton laveur qui avait accompagné Candy pendant tant d’années dans plusieurs aventures, lui offrant un support indélébile tout au long de son existence.

-Comme c’est mignon! Un raton-laveur!

-Il avait la particularité d’avoir le poil très pâle, presque blanc, donc assez facilement repérable.

-C’est très symbolique le lien qu’elle a fait entre son animal confident et sa fondation. C’est un peu le rôle que l’on souhaitait jouer auprès des femmes dans le besoin.

-Vous arrivez à la même conclusion qu’elle.

-C’est bien pensé. Et bien, longue vie à la Maison Capucin!

Georges regarda l’heure sur sa montre à gousset. Liam devait déjà l’attendre. Il se leva pour partir, prit le sac contenant les effets d’Eliza, puis son porte-documents.

-Je pense qu’on a donné un bon départ pour cette belle cause. Je dois y aller maintenant. Nous nous reverrons vers le vingt janvier, ça vous irait pour tenir la première réunion?

-Certainement.

-Nous apporterons chacun nos listes et ferons le point.

-Et nous pourrons établir les commanditaires ciblés à solliciter.

-Certains sont déjà notés, je pense qu’il vaudrait mieux attendre après les fêtes pour prendre contact avec eux.

Bianca les salua et repris le bac avant de retourner à ses occupations pendant qu’Alice l’accompagna jusqu’au vestibule, en continuant leur discussion.

-Grâce à ces fonds que vous nous avez apportés, nous irons de l’avant avec les projets de rénovations, du moins ceux qui peuvent être faits à ce temps-ci.

-Continuez à bien gérer l’endroit, Mlle Alice, prenons le temps de bien faire les choses.

-J’aimerais que Candy puisse déjà voir des résultats à son retour, ce serait une belle surprise pour elle.

-N’oubliez pas de fêter Noël à travers cela.

-C’est certain, M. Johnson. Au nom de tous ceux qui travaillent ici et ont la mission de notre maison à cœur, je vous remercie de votre précieuse collaboration et implication. Ceci apporte un vent de renouveau, on le sent dans l’air, c’est comme si tout se met en place, vous ne trouvez pas?

-C’est un excellent présage. Je vous souhaite une bonne journée, Mlle Alice, et de joyeuses fêtes.

-À vous aussi.

Alice referma la porte derrière lui et retourna dans la chambre verte. Elle referma la porte à clé derrière elle, et prit le temps de bien calculer tout l’argent qu’il venait de lui donner. Elle le rangea bien à l’abri dans le petit coffre-fort en attendant d’aller le déposer à la banque au nom de la fondation. Elle sourit toute seule, sentant un poids énorme s’alléger de ses épaules et disparaître comme par enchantement.




********






Assis confortablement sur son siège de première classe dans le train, Albert avait encore passé trop de temps à ressasser la situation déconcertante qui le préoccupait depuis plusieurs jours. Une partie de la matinée déjà bien amorcée y avait passé. Cette entrevue finale au poste de police en compagnie du duc n’avait pratiquement rien apporté de plus à la résolution de l’intrigue. Il se posait encore trop de questions, qui devraient attendre son arrivée à Edimbourg pour avoir des résolutions. Il aurait tant voulu pouvoir relaxer et se dire que l’affaire était réglée une fois pour toutes! Bien qu’il n’y avait aucun lien entre les deux situations, pour lui, celle-ci était symbolique de tout cet imbroglio de confusion qu’il vivait depuis des mois, et qui lui semblait provoqué par les aveux de sa tante.

Las de tourner en boucle ces sempiternelles questions redondantes, il décida de changer de trame d’idées, passant en revue les rencontres qu’il avait faites sur l’Olympic et qui lui avaient rappelé son amour de l’aventure.

C’était une chance qu’Andrew ait pris en charge les deux hommes. Décidément, cet homme promettait de devenir un excellent partenaire d’affaires avec son regard particulier sur le monde. Il avait était témoin de première ligne qu’une action ou un geste posé différemment pouvait changer la donne. L’exemple d’Andrew et des deux hommes était flagrant. S’il avait choisi de les accuser, ces hommes auraient été condamnés et n’auraient pas eu la chance de refaire leur vie. Depuis que sa grand-tante lui avait avoué les origines de Candy, il s’était rendu compte à quel point la vie d’une personne pouvait être transformée par un seul choix mal éclairé, une décision qui altérait le cours complet de son existence… Cela l’avait profondément remué.

Candy et Terry avaient été séparés pendant cinq longues années parce qu’ils n’avaient pas osé se dire les vraies choses. S’ils s’étaient parlé, plutôt que de rester seuls dans leur coin, sans demander d’aide, leur vie aurait été tellement différente! Si sa tante avait accepté l’enfant de Rosemary plutôt que la faire adopter... La tête lui tournait. Il n’arrivait pas à passer par-dessus ces mensonges, ces faussetés, l’élan brisé de toutes ces vies qui, par un hasard du destin, ou plutôt par un choix mal avisé, s’étaient trouvées changées à jamais.

Il se remémora sa vie d’avant… Avant la guerre, avant son amnésie, quand il avait choisi de vivre un peu et de suivre ses passions en se rendant jusqu’en Afrique. Pourquoi c’était si mal perçu de vouloir vivre sa vie et pas un carcan imposé? Pourquoi devrait-il encore choisir les obligations et les responsabilités et se marier pour faire le plaisir de sa tante? Souhaitait-il devenir aussi aigrie qu’elle? En connaissait-il, des gens qui étaient heureux en s’oubliant? Selon ses observations, leur flamme finissait par s’étioler et s’éteindre lentement et ils devenaient amers, arrogants ou malades. Comment pouvait-on nourrir cette parcelle de joie et d’optimiste en soi quand on restait dans le carcan de la boîte à faire ce qui était attendu?

Ses pensées l’amenèrent vers sa jeunesse et sa soeur Rosemary. Avait-elle été heureuse? Il creusa ses souvenirs d’elle, voulant se refaire une idée d’adulte. Il était si jeune quand elle était partie vers un meilleur monde. La santé de Rosemary avait été minée pendant plusieurs années avant sa mort. Mais il se souvenait d’elle, enfant, et elle riait, et elle était joyeuse. Après son mariage, tout avait changé, elle était devenue triste. Ou bien était-ce quand elle avait perdu son enfant… Candy? Il ne s’en souvenait plus. À son retour aux États-Unis, il vérifierait, d’abord avec Georges, et ensuite sa tante, afin d’avoir l’heure juste et des preuves sur les origines de Candy.

-Et toi, Albert, qu’est-ce qui est important pour toi? se demanda-t-il pour la énième fois.

Se fit entendre du fin fond de son esprit, comme à chaque fois qu’il évoquait le mot liberté, la petite voix des obligations et des responsabilités, encore trop forte pour être calfeutrée, une trame de fond dont il n’arrivait plus à se défaire, malgré le stress que cela lui occasionnait. C’était quoi ce monde d’obligations qui primait sur la liberté de l’Être?

Revenant dans l’instant présent, et ses préoccupations actuelles, il se demanda ce qu’il lui fallait penser de la belle Rosie. Elle les avait littéralement menés en bateau! Cette femme n’était pas plus mère que Candy. Et pourtant sa promise qui portait le même nom qu’elle était déjà maman deux fois! Cela était aussi un sujet portant à confusion. Sa promise… Il secoua la tête, découragé. Par l’ironie du sort, il lui semblait que chaque voyageur dans son wagon était en couple, ce qui ne facilitait pas sa cause, lui remettant sur le nez ce qu’il devait aller régler en Écosse.

Las de ses pensées omniprésentes et par trop accaparantes, il se leva en s’étirant. Il lui fallait bouger pour s’en délester. Le contrôleur lui ayant dit que le train arrivait normalement en gare autour de vingt heures, il savait qu’il aurait deux repas à prendre. Il choisit de se rendre au wagon restaurant pour aller dîner. Peut-être que de voir d’autres gens lui changerait les idées. Il prit place à une table qui venait de se libérer et passa commande au serveur. Il observa une petite famille assise à la table à côté de lui un instant, mais, n’ayant pas envie de leur faire la conversation tout de suite, il leur sourit et se retourna vers la large fenêtre derrière laquelle il pouvait contempler les arbres matures et les petits bourgs qui apparaissaient comme par surprise derrière un tournant à chaque vingtaine de kilomètres parcourus. Le train traversait l’Angleterre du nord au sud, et plus il s’approchait de l’Écosse, plus les paysages devenaient vallonneux, plus la contrée semblait sauvage et plus la couverture de neige était épaisse. Des nuages coursaient dans le ciel bleu pur. Que c’était beau et calme! Albert soupira.

Une petite dame au dos courbé et aux cheveux blancs comme neige, frisés comme un mouton, était entrée dans le wagon juste à temps pour l’entendre et s’avança vers lui. Elle observa un moment ce bel homme blond, au sommet de sa forme physique, avec des yeux d’un bleu clair à faire damner un saint. Il lui semblait s’ennuyer. Elle décida de s’asseoir face à lui pour partager sa table.

-Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire, dit-elle.

Albert sortit immédiatement de ses pensées, interpelé par la voix légèrement chevrotante de la vieille dame qui, sitôt installée, avait sorti son tricot informe de couleur bleu acier. Ses aiguilles se mirent aussitôt à cliqueter à un rythme soutenu. Les yeux débordant d’humour, elle lui sourit de son sourire partiellement édenté.

-Bonjour, madame…

-Madame Julia Cooper, pour vous servir. Je peux vous accompagner pour le repas? Je suis seule et c’est tellement plus agréable de manger à deux!

-Enchanté, Mme Cooper. Faites à votre guise. Je suis William André. Je n’ai pas bien compris ce que vous disiez…

-Simplement que pour un si jeune homme en pleine possession de ses moyens, vous semblez plutôt désabusé!

-Ah! Que voulez-vous, il m’arrive à l’occasion de me poser des questions existentielles.

-Doux Jésus! À quoi ça sert? s’exclama-t-elle aussitôt. Ça ne fait qu’envenimer le présent! Si seulement on apprenait à la jeune génération à ne pas trop penser. On est ici pour vivre des expériences, pas pour les analyser! Vous ferez cela quand vous serez vieux comme moi, pas à trente ans!

Ses paroles eurent l’effet d’un coup de clairon le sortant immédiatement de sa stupeur et de ses pensées monochromes. Albert éclata de rire.

-Je vous le dis, la vie est belle à tout âge, quand on la regarde avec les bonnes lunettes! Voyez-vous ça? Je viens de fêter mes soixante-dix ans chez mon aînée la semaine dernière, avec mes petits-enfants et mes arrières petits-enfants. Ma famille est si grande maintenant, et nous étions seulement deux individus qui s’aimaient au départ, c’est incroyable! Et je peux m’amuser à faire la navette d’une place à l’autre. Aujourd’hui, je me rends chez mon autre fille car ma petite-fille vient d’accoucher et elle a réclamé sa grand-mère.

-Si ce n’est trop indiscret, vous avez eu combien d’enfants?

-Six! Toutes en vie. Toutes des filles! Extraordinaire, n’est-ce pas? Mon mari se faisait taquiner par ses collègues de travail lui disant qu’il avait besoin de changer sa tactique s’il voulait un garçon!

Albert ne put s’empêcher de sourire. Un serveur passa prendre leur commande. Aussitôt qu’il fut parti, la vieille dame continua de le bombarder de ses paroles vives et enjouées. Elle n’avait pas la langue dans sa poche. Elle abreuva Albert d’histoires sur sa famille et son expérience de vie. De fil en aiguille, elle se mit à le baratter de ses opinions et de questions, cherchant à comprendre la raison de son soupir blasé du début, telle une figure maternelle bienveillante qui prodiguait des conseils et qui voulait son bien. Il ne put s’empêcher de la comparer à sa tante Elroy, tant elle était son contraste en tous points. Comment expliquer que deux personnes ayant sensiblement le même âge puissent avoir évolué de manière à être aussi différentes! Là où sa tante était dure, contrôlante et bourrée de préjugés, cette chère madame Cooper avait aussi la fibre familiale très forte, mais elle l’exprimait autrement, avec une fougue et un surplus d’humour qui allait égayer le repas qui venait de leur être servi.

-J’ai pour mon dire que la vie est faite pour être vécue, et de manière joyeuse autant que possible.

Elle prit une bouchée de son assiette et ne put s’empêcher de l’apprécier à haute voix.

-C’est si bon manger, ne trouvez-vous pas? Un des petits plaisirs de la vie. J’ai beau ne pas avoir toutes mes dents, j’aime encore cela.

Albert sourit poliment. La dame repartit de plus belle, revenant à son état matrimonial qui l’avait marquée.

-Mon mari aimait tant manger! Nous prenions plaisir à découvrir de nouveaux mets ensemble. Ah, jeune homme, dans ma vie, j’ai eu la chance d’être mariée à un homme bon et plein de ressources. Il est décédé quand j’étais enceinte de ma petite dernière. Il m’a laissée dans le deuil, mais pas dans le manque. Après l’avoir pleuré, j’ai pu profiter de la vie, tout en élevant notre marmaille, avec l’aide de ma belle-mère et de ma mère. La vie est longue et morne, quand on la prend trop au sérieux.

-Et maintenant, vous voyagez? s’enquit Albert, de plus en plus séduit par sa philosophie enjouée.

-Oui, depuis que mes filles sont mariées et ont fondé leur foyer, je fais la rotation et je passe quelques mois chez chacune qui m’accueille à son tour. C’est plaisant, elles vivent toutes dans des régions fort différentes, me permettant ainsi de découvrir du pays.

-Voyager est une si agréable façon d’occuper son temps, ça a le mérite de nous permettre d’apprendre à connaître d’autres mœurs et cultures, d’autres façons de voir la vie.

Entretemps, ils avaient fini leur repas et le serveur leur avait apporté un thé. La vieille dame avait ressorti son tricot et s’était remise à tricoter avec ferveur, comme si tout ce qu’elle entreprenait était fait avec le même désir apparent de vivre l’expérience jusqu’au bout.

-Dites-moi, M. André, votre femme, elle en pense quoi de vos voyages?

-Je n’ai pas de femme, dit-il sobrement.

-Un bel homme comme vous et pas marié? Quel gâchis! Que font-elles les jeunes filles de nos jours? Dans mon temps, ça ne se serait pas vu.

-J’ai mon mot à dire, tança Albert, amusé.

-Jeune homme, je ne sais pas où vous étiez ces dernières années, mais il y a eu une guerre ici et tant d’hommes sont partis, qui ne pourront pas fonder de familles. C’est pratiquement votre devoir patriotique de vous assurer de faire des enfants.

-Je dois dire que je n’y avais pas réfléchi de cette manière.

-À quoi bon être jeune, beau et bien fait et rester seul? Vous me semblez bien nanti en plus, avec votre complet anthracite en tweed bien trop chic et qui a dû coûter une petite fortune. Vous feriez le bonheur d’une jeune dame, je peux vous le garantir. Cela ne vous attire pas, l’idée d’avoir une femme et des enfants et un foyer stable? Ah, il faut que jeunesse se passe, qu’on dit. C’est pourtant si riche, la vie de famille!

Albert évita de lui répondre en la questionnant à son tour.

-Qu’en est-il de vous, chère madame, ne vous êtes-vous jamais remariée?

-Aucun n’aurait pu arriver à la cheville de mon Ernest. C’était le meilleur homme. C’est pour cela qu’il est parti si tôt, dit-elle avec conviction. Notre temps ensemble a été rempli de bonne humeur, d’amour et d’humour, qu’aurais-je pu avoir de mieux?

-Cela semble en effet un très beau mariage, digne d’un conte de fée.

La dame eut un instant d’intériorisation et Albert pouvait presque la voir entrer en communion avec l’âme de son mari, comme s’ils étaient encore liés par un sentiment d’amour qui ne pouvait se rompre, transcendant les dimensions. Il se sentit un peu comme un voyeur, et en même temps, cela l’apaisa. Puis il s’attrista, en pensant que c’était très peu commun comme expérience. Il avait espéré vivre exactement ce genre de relation avec sa Tatiana. L’amour qu’ils avaient partagé était encore là, présent en lui, et d’une certaine manière, cela le remplit d’un bonheur dont il ne pourrait plus se départir. Et si la mort n’était que cela, un voile qui sépare l’âme du corps, et que celle-ci reste accessible, mais à un autre niveau? Encore Tatiana! Des couples, des enfants, des familles… et des pensées d’elle! Ce que la vie pouvait être ironique parfois!

Tranquillement, tout doucement, ses pensées se calmèrent et il remercia le ciel d’avoir mis sur sa route, ce petit rayon de soleil aujourd’hui. Tout cela en quelques minutes du silence que dura la contemplation de Mme Cooper.

Le moment de lucidité passa. La dame sourit et ouvrit les yeux.

-Pardonnez-moi, je viens d’avoir une expérience bien particulière. À mon âge, vous savez, on prend tous les petits bonheurs qui passent, et mon Ernest vient de me saluer.

Albert examina le visage ridé devant lui, le passage du temps apparent sur ses mains et la courbure de son dos. Seul son regard restait jeune et si pétillant, comme si son âme, elle, avait encore vingt ans. Ce constat le prit par surprise et un sourire lui effleura les lèvres.

-Ce n’est que l’extérieur qui vieillit, se dit-il, notre âme, elle, reste éternellement immuable. Ne dit-on pas que les yeux sont le reflet de l’âme, justement?

-J’ai cru voir l’éternité en vous contemplant, dit-il à voix haute. Vous paraissez lumineuse.

-Ce sont mes cheveux qui donnent cet effet! blagua-t-elle en caquetant, un petit sourire espiègle s’étirant sur ses lèvres.

-Mme Cooper, je constate que vous avez aimé votre mari d’un grand amour, et je trouve cela particulièrement inspirant. Vous savez, j’ai connu quelqu’un il y a quelques années, et je l’ai perdue dans un bête accident. Je pense que si j’avais pu être avec elle, notre amour aurait ressemblé au vôtre.

La dame redevint sérieuse subitement. Elle prit son temps pour lui répondre.

-Ne vivez pas votre vie dans le passé, M. André. Cela ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé. Le passé doit rester derrière nous si l’on veut avancer. Votre douce aimée ne voudrait pas que vous restiez chaste et que vous vous punissiez toute votre vie pour un événement dont vous n’êtes pas responsable. Elle voudrait que vous réussissiez à être heureux, car lorsqu’on aime quelqu’un, on ne veut que son épanouissement total, où qu’il soit.

La gorge d’Albert se noua, et ses yeux piquèrent. Non! Il n’allait tout de même pas pleurer! Il se racla la gorge et détourna son regard vers la fenêtre. Droit devant eux il vit passer une rapace plongeant pour attraper son repas, sûrement une souris qui s’était malencontreusement déplacée à découvert pendant un moment fatal.

-Oh! Regardez cela! L’avez-vous vu?

-Oui, c’est une espèce de faucon.

-Allez-vous me croire si je vous dis que j’en ai déjà soigné un quand j’étais jeune adolescent et que ma sœur venait de mourir de consomption. Ce magnifique oiseau s’est retrouvé dans mon antre secret, blessé à la patte. Il était apeuré, mais m’a permis de l’approcher et de m’en occuper avec les moyens du bord.

Il se mit à lui parler de son amour des animaux, ce qui l’amena à lui raconter l’Afrique qu’il avait connue, et le dispensaire là-bas, et les hommes qu’ils soignaient, mais aussi les animaux qui leur étaient apportés, souvent victimes de la barbarie des hommes.

-Dites donc, vous faites quoi comme métier, vous? Je vous croyais homme d’affaires?

-C’est ce que je suis aujourd’hui, par la force des choses.

-Mais votre cœur est resté dans le passé, c’est évident. Vous n’avez jamais pensé faire des études de vétérinaire à la place de vous clouer aux paperasses?

-La question ne se posait pas. En tant qu’héritier des affaires familiales, j’ai dû me responsabiliser assez jeune et mes obligations m’ont ramené dans ce chemin. J’ai toujours eu une corde sensible pour le sort des animaux. J’avais une ménagerie plus jeune. Et j’ai aussi travaillé au zoo de Londres pendant quelques mois.

-Ça doit vous manquer, ce contact avec les bêtes, non? Vous en parlez avec tant de passion!

-Assurément. Entre deux rendez-vous d’affaires, je me permets de faire de l’équitation. Les chevaux sont des créatures si paisibles et réconfortantes!

-Oui, je vois exactement ce que vous voulez dire. C’est comme s’ils nous comprennent sans qu’on ait à parler.

-J’aime bien les chiens également, mais je voyage trop, mon mode de vie le rendrait malheureux. Un chien aime avoir un foyer stable.

-Comme vous pourriez avoir si vous acceptiez de vous marier! dit-elle en lui tapotant le bras. Je peux vous dire une chose que j’ai apprise avec le temps. Personne ne peut être heureux en vivant la vie d’un autre. Il faut vivre sa vie à soi, choisir en toute honnêteté ce que l’on veut pour nous et s’évertuer à le vivre du mieux que l’on peut.

-Vous êtes d’une grande sagesse, Mme Cooper. Je tâcherai de me souvenir de tous ces conseils que vous me prodiguez.

-Mon mari me disait que j’étais sa conscience. On partageait toutes nos pensées, et je dois dire que son côté philosophe me manque. Ce ne sont pas tous les hommes qui sont à l’aise de parler de sujets divers avec leur épouse. C’est dommage, car chacun y gagne de ce partage d’idées.

Albert avait abordé le sujet de la fiancé qui l’attendait. Bien sûr, elle l’avait admonesté de vouloir y mettre fin.

-Ou donc avez-vous la tête? Une femme vous attend, prête à tout pour vous et vous crachez sur cette belle opportunité que la vie vous offre! On aura tout vu! Faites-moi au moins le plaisir d’y réfléchir avant de la laisser poireauter devant l’autel.

-Je vais régler cette situation cette semaine.

-Pardonnez-moi, je vais vous paraître incohérente, mais vous pourrez mettre cela sur le dos de ma vieillesse. Plutôt que d’être égoïste à vouloir vivre pour vous, avez-vous pensé que cette femme pourrait y gagner à être avec vous? Peut-être qu’elle pourrait vous épauler dans votre désir de soigner les animaux? Deux vies passées ensemble, à voir votre amour grandir avec les années et le vécu, je vous le dis, c’est un des plus grands bonheurs de la vie!

-Ah, chère Madame! Vous savez que vous êtes un vrai vent de fraîcheur? Peut-être que si on m’avait apporté cette situation d’une telle manière, plutôt que vouloir me l’imposer de force, j’aurais moins réagi. Ouf! Je dois dire que j’ai rarement été brassé à ce point!

-C’est un plaisir, j’aime bien ramener mon monde à l’ordre à l’occasion.

La vieille dame rangea son tricot qui avait avancé depuis qu’elle s’était assise avec lui. Elle se leva, se tenant aussi droite que l’âge de ses os le lui permettait. Albert se leva à son tour, par politesse.

-Et bien, ce fut un réel plaisir de vous rencontrer. Cela faisait des lustres que je ne m’étais autant amusée, avec un étranger de surcroît! Bien le bonjour, M. André, c’est maintenant l’heure de ma sieste.

-Merci à vous, Mme Cooper, ce fut un moment agréable en bonne compagnie.

-Si on ne se revoit pas, je vous souhaite un bon futur, et n’oubliez pas tout ce que je vous ai dit, n’est-ce pas? Du moins, prenez le temps d’y réfléchir…

Albert lui fit un clin d’œil et la regarda partir de son pas hésitant, alourdi par le poids des années, alors que son esprit était resté jeune et flamboyant. Il retourna à son compartiment, de meilleure humeur qu’il ne l’avait été depuis longtemps. Elle avait su l’égayer et lui avait apporté une nouvelle perspective sur ses vieilles pensées, un vent nouveau, qui renforçait son désir de faire les choses différemment à partir de maintenant, et de penser à se choisir pour être heureux. Y aurait-il un moyen de marier sa passion et son travail afin de ne pas avoir l’impression qu’il faisait du surplace et qu’il passait à côté de sa vie? Tout en respectant les obligations qui lui incombaient. Saurait-il trouver sa solution? Elle lui avait dit qu’il était trop jeune pour penser comme un vieux. Elle avait un peu raison. Il avait longtemps cru que les nombreuses pertes qu’il avait vécues l’avaient rendu plus fort, pas plus mort.

Décidément, cette chère Julia l’avait secoué beaucoup plus qu’il ne voulait se l’admettre. Il y a de ces rencontres qui vous brassent jusqu’au fond de l’âme. Un peu comme son bain de mer l’avait fait il y a des semaines, et qu’il était déjà en train d’oublier. La leçon qu’il en avait tirée, c’était de se laisser porter par la vague, au lieu de se débattre. Se laisser porter avait aussi du bon. Cesser de se débattre contre ce qui se passait, cesser de penser qu’il savait mieux que son destin ce qui était bon pour lui… Peut-être serait-ce aussi applicable en ce moment, plutôt que de vouloir tout régenter à sa manière, un peu comme sa tante. Peut-être lui faudrait-il solidifier sa confiance en sa propre vie et ses décisions, sachant qu’elles sont toujours les meilleures pour lui et lâcher ce marasme ambiant une fois pour toutes et qu’il traînait depuis trop d’années.

Peut-être qu’au lieu de continuer de dire qu’il avait besoin de clarté dans ce cafouillis, il pourrait simplement prendre les situations telles qu’elles se présentaient, et partir de là. Un peu comme le duc le faisait si bien depuis qu’il avait fait le choix de reconquérir la belle Eleonore. Prendre le taureau par les cornes, n’était-ce pas l’expression appropriée? Se ressaisir, cesser de ressasser le passé qui ne devait plus s’immiscer dans le présent ni le teinter de sa tristesse. N’avait-il pas eu ce même genre de discussion avec Candy il y a des années, quand elle et Terry s’étaient quittés? Il lui avait prodigué ses conseils de grand-frère alors qu’il n’arrivait pas à les appliquer lui-même dans sa propre vie.

Peut-être devrait-il étudier les choses d’un autre angle, et comprendre tout ceci –les deux hommes, la trompeuse Rose MacGregor et son supposé père scientifique, Andrew MacFarlane et les paroles de Julia Cooper- comme des nouvelles données et opportunités plutôt que de nouveaux problèmes. Il lui fallait exercer son regard à voir autrement sinon autant bien abandonner. La vie n’était-elle pas faite de défis? Depuis quand cela le dérangeait-il de devoir faire face à des défis? Ne s’était-il pas promis, dans les eaux de Floride, de ne pas se perdre, de changer, de laisser son passé derrière et de rester fort pour mieux vivre? D’entrevoir les solutions, plutôt que de chercher les emmerdes? Il en trouverait une solution avec les MacGregor s’il se rappelait de choisir à chaque moment pour le mieux et en possession de tous ses moyens. Il était possible d’honorer le souvenir de sa douce, et continuer de vivre.




********






Eliza continuait à picorer dans les légumes restants de son assiette, même si cela faisait près d’une demi-heure qu’elle avait terminé. Elle avait repris un autre café pour passer le temps et regardait par la fenêtre à chaque minute pour voir si Georges était ressorti. Elle ne comprenait pas pourquoi il était là. Cette maison-là était un vrai cauchemar! Par deux fois, elle avait été évincée par des indésirables. D’abord Candy, puis ce Georges. Elle devina qu’ils étaient en train de manigancer quelque chose et se fichait éperdument de ce que cela pouvait bien être. Tout ce qu’elle voulait, c’était de récupérer sa sacoche et sa clé et retourner à l’appartement pour y puiser son argent. Elle n'avait pas osé aller à la banque pour soutirer de l’argent de son compte, car elle soupçonnait fortement que ses parents avaient mis quelqu’un sur ses trousses. Peut-être même ce Georges qui l’avait déjà humiliée en la ramenant chez ses parents à Miami, la menaçant de l’envoyer au couvent. De quel droit s’était-il permis de lui faire la morale, cet orphelin opportuniste!

Dès qu’elle l’avait aperçu plus tôt, une rage sourde avait remplacé sa honte d’être diminuée à quémander de l’aide. Une colère justifiée, selon elle, et qui enflait à mesure qu’elle y accordait un peu d’attention. Elle leva les yeux et les rabaissa aussitôt. Le voilà! Il était sorti de la bâtisse et était rendu à côté de la voiture où il avait rangé ses trucs. Il allait enfin partir… Oh non! Il se dirigeait vers ce bistrot! Elle saisit le New York Times du jour qui traînait sur la table à côté d’elle et fit semblant de lire les dernières nouvelles. L’homme moustachu entra, toujours avec le même visage sans émotion et la même voix monocorde. Il passa sa commande. Eliza avait le cœur dans la gorge, sentant les battements amplifiés dans son corps, paniquée à l’idée qu’il la reconnaisse. Son déguisement devrait suffire, tant qu’elle ne croisait pas son regard. Elle attendit patiemment sans bouger, le journal faisant office de bouclier. Le serveur revint à sa table pour lui offrir un autre café, qu’elle refusa. Elle en avait assez bu.

-Voulez-vous votre facture?

Eliza lui fit signe que oui, restant cachée derrière le journal, tournant une page pour donner l’impression qu’elle était vraiment en train de le lire. Elle passerait pour une excentrique ou une mal élevée, mais ça lui était égal. Comment pourrait-elle sortir sans se faire remarquer? Devrait-elle attendre qu’il quitte les prémices? Eliza continuait d’enrager intérieurement d’être à chaque fois obligée de revoir ses plans contrecarrés. Heureusement pour elle, Georges prit sa commande et sortit du bistrot sans jeter un regard dans sa direction. Elle le vit se diriger vers le véhicule des André et le chauffeur qui l’attendait. Ils démarrèrent et elle put enfin relâcher le souffle qu’elle retenait. Elle l’avait échappé belle, encore une fois!

Elle replia le journal sommairement et le déposa sur la table en attendant l’addition. Oserait-elle se rendre tout de suite à la maison? Elle attendit encore quelques minutes pour ne pas tenter le destin, au cas où il avait à y revenir. Ou peut-être ferait-elle mieux d’y aller maintenant? Cela lui prendrait seulement dix minutes, tout au plus. Elle sentait un mal de tête commencer sur ses tempes et se les massa. Elle paya son dû au serveur et s’arrêta à la salle d’eau pour vérifier si son déguisement était encore valide. Elle avait bien réussi, elle-même peinait à se reconnaître dans le reflet retourné par le miroir. Elle rajusta son foulard et se remémora les étapes de son plan. Rassurée d’être vraiment méconnaissable, elle quitta l’établissement et marcha prestement vers la bâtisse en briques blanches.

Quatre enfants jouaient sur le trottoir et essayèrent de l’intercepter mais elle n’avait pas le temps. Elle les regarda de haut et poursuivit son chemin. Son air de grande dame jurait avec ses vêtements plus modestes. Elle monta les marches menant aux portes doubles et cogna à la porte. Une dame vint lui ouvrir.

-Bonjour, madame! Entrez.

Eliza passa la porte et observa le décor autour d’elle. La porte du garde-robe était restée ouverte. Elle ne vit ni son manteau ni sa sacoche. Que pouvaient-ils bien en avoir fait?

-Bonjour.

-Comment pouvons-nous vous aider aujourd’hui? demanda la femme en allant refermer la porte.

-Euh… C’est ma patronne qui m’envoie. Une belle dame rousse, dit Eliza en essayant de parler de la même manière que leur ancienne lavandière Cindy.

-Une rousse?

-Oui, euh… Elle a été soignée ici la semaine dernière et n’a plus son sac à main. Elle ne pouvait pas venir elle-même alors elle m’a dit de venir à sa place.

Mentir lui venait facilement, elle en avait l’habitude. Par contre, elle aurait pu se passer du sentiment d’être traquée et de la peur d’être reconnue qui faisaient redoubler les battements de son coeur. Sa voix en tremblait presque. Elle ne souhaitait pas être dévoilée comme l’imposteur qu’elle était. Elle voulait simplement récupérer son dû.

-Et bien, vous pouvez retourner à votre maîtresse. Ce bon monsieur qui vient de quitter a pris ses choses pour lui remettre. Elle les aura dans la journée.

-Quoi? vociféra Eliza, hors d’elle-même.

-Ça va bien, madame?

-Euh… Qu’avez-vous dit? Je crois vous avoir mal comprise.

-Je viens de vous dire que M. Johnson a pris les choses de Mlle Legrand pour les lui rapporter. On n’a plus rien qui appartienne à votre patronne.

Cela lui prit toute sa patience pour ne pas hurler sur l’employée, et elle en avait si peu! Elle lui dit avec les lèvres pincées, un tout faible,

-Merci. Et bonne journée.

Bianca s’en venait dans le corridor. Elle parlait avec Mireille et les deux s’approchèrent de l’entrée.

-Qui est là, Paulette?

-Oh, c’est…

Eliza leur lança un rapide au revoir et ouvrit la porte.

-Mais… Attendez!

Son écharpe se prit dans un clou qui dépassait de la moulure et déplaça son foulard qui laissa entrevoir une partie de sa blessure. Les yeux apeurés, Eliza tira dessus, le déchirant, ouvrit la porte et s’enfuit.

-Hé! Toi! Je te reconnais! cria Bianca. C’est elle! C’est la rouquine!

-De quoi tu parles? demanda Paulette qui n’avait rien remarqué.

-Attends!

Eliza dévala l’escalier dehors, marchant le plus rapidement le long du trottoir. Elle héla un taxi qui s’arrêta à sa hauteur juste à temps. Elle s’y engouffra, essoufflée, et osa un regard vers le bâtiment. D’une des portes, elle vit le regard estomaqué de la grande italienne qui l’avait reconnue.

Une fois le taxi parti, elle demanda au chauffeur de l’amener à un motel propre mais pas trop dispendieux, le plus près de l’appartement des André. Cela devenait irritant de ne pouvoir être libre de ses mouvements, et régentée dans tout ce qu’elle pouvait faire.

Elle aurait voulu hurler sa rage contenue. Des larmes de frustration lui coulèrent sur les joues. Ce Georges! Encore une fois, il s’était joué d’elle. Comment ferait-elle pour retourner à l’appartement maintenant? Elle n’avait presque plus d’argent. Pourtant elle avait fait très attention. La vie coûtait cher quand on avait peu. Elle devait se replier, une dernière nuit, et revoir sa stratégie, encore une fois.




********






Les rencontres pour la fondation avaient pris beaucoup de son temps ces derniers jours, et il lui restait encore quelques rendez-vous pour finaliser ses engagements à New York avant de pouvoir rejoindre Archie à Chicago. Georges avait senti que le jeune homme d’affaires serait bientôt dépassé par la double tâche qui lui incombait. Il le savait capable, mais il pouvait également reconnaître que c’était plus motivant de finir les rapports de l’année à deux.

Il demanda à Liam de le débarquer au bureau, bien qu’il eut préféré se rendre directement à l’appartement. Il devait d’abord classer ses copies des documents de la Maison Capucin dans une nouvelle filière qu’il avait créée spécifiquement pour cela. Une fois arrivé, il laissa un sandwich pour Liam et apporta l’autre avec lui, qu’il mangerait rapidement avant de finir sa journée.

-Liam, j’en ai pour une vingtaine de minutes, d’accord?

-C’est bien, M. Johnson, je vous attendrai en mangeant. Merci pour le sandwich!

Georges entra dans l’imposant immeuble dans lequel étaient situés les locaux new-yorkais de la famille André. La secrétaire avait déjà quitté, mais lui avait laissé un court message sur sa table de travail. Son regard se posa dessus, et il remarqua le courrier qui l’attendait dessous. Il ferait mieux d’y voir maintenant, ainsi il pourrait rentrer plus tard le lendemain pour finaliser ce qui restait. Il saisit le message qui lui disait de rappeler le détective, et trouva un nouveau télégramme de la part d’Albert.

-Qu’est-ce qui se passe? se demanda-t-il en ouvrant la missive d’un geste rapide.

Il lut le court texte qui se résumait à quelques mots bien choisis pour l’informer de la réputation du Lord promis à Eliza. Soupirant d’agacement, il saisit le combiné et composa le numéro de la résidence des André, espérant qu’Arthur serait encore là. N’en viendraient-ils jamais à bout des frasques de ces deux individus mal intentionnés, mal influencés et fort probablement en mal d’attention?

-Oui? répondit la voix un peu craintive d’Arthur.

-M. Legrand, ici Georges Johnson.

-Ah! Georges! fit-il, visiblement soulagé. Vous avez des nouvelles de ma fille?

-Non, mais j’ai de nouvelles informations à vous communiquer et qui la concernent. C’est important. Pourriez-vous passer au bureau?

-Ne pourriez-vous pas me le dire tout de suite?

-Je préférerais que l’on se voit en personne.

-D’accord, je passerai dès que je me libère.

-Pourrions-nous se donner rendez-vous au courant de la journée demain?

-J’aurais du temps en après-midi, à partir de quinze heures.

Ruminant intérieurement face à ce contretemps qui devrait faire patienter Archie à Chicago une journée supplémentaire, il acquiesça. Il estimait que c’était des nouvelles qu’il vaudrait mieux dire en tête-à-tête. De plus, il devait aussi lui remettre les effets d’Eliza.

-Ça me va. Je vous attendrai.

Il lui restait un téléphone à faire avant de pouvoir aller se coucher à l’appartement d’Albert. Il rejoignit le détective assez rapidement, et celui-ci lui relata ce qui s’était passé avec Henry et le prêteur sur gages.

-Ce jeune homme est encore entiché d’elle, cela paraît dans l’intonation de sa voix, dit le détective.

-Oui, j’ai cru remarquer son intérêt pour elle et sa sécurité. Ou est-ce seulement pour se déculpabiliser? Ces deux-là n’ont pas vraiment d’avenir…

-J’ai aussi refait le circuit des hôpitaux et il n’y a aucune trace d’elle. Elle a dû changer de nom et je dirais même d’apparence pour éluder ainsi toutes nos recherches. Son compte en banque n’a pas été touché, et je ne m’explique pas pourquoi.

-Peut-être pour éviter qu’elle ne soit retracée. Eliza est finaude.

Georges fit une pause, puis chercha dans ses notes les chiffres qu’il avait écrits.

-Bon, si je récapitule, on sait qu’elle était à la maison le six ou le sept décembre, car j’y ai retrouvé certains de ses effets personnels. Ensuite, elle a vendu le bracelet au prêteur sur gages le dix, c’est cela? Cela fait déjà une semaine… Elle ne pourra plus tenir longtemps avec seulement cette somme. Sa blessure est sûrement en voie de guérison, et elle refera surface quelque part. Il faudra bien qu’elle se trouve un moyen d’avoir accès à de l’argent très bientôt. Tenez-moi au courant si vous avez d’autres développement. Je reste à New York jusqu’à jeudi soir.

Georges raccrocha le téléphone et relit le télégramme d’Albert. Il pouvait presque lire son exaspération à lui aussi, par ses mots secs et directs. Il avait hâte que soit réglée cette histoire avec Eliza Legrand. Il n’aurait pas voulu être dans les bottines d’Arthur pour rien au monde. Il préférait de loin s’occuper de la paperasse. Il rangea les choses d’Eliza, le télégramme d’Albert, ainsi que les notes récentes du détective et sortit dans la froide noirceur de décembre pour rejoindre Liam qui l’attendait dans la voiture des André.




********






Le reste du voyage en train avait passé vite. Albert avait dormi jusqu’au souper, qu’il avait pris seul, ne retrouvant pas de trace de Mme Cooper. Ils entrèrent en gare d’Edimbourg à vingt heures tapant. Albert rassembla ses affaires et se prépara à sortir. Il voulait saluer sa partenaire de dîner avant de quitter la gare pour la remercier de leur conversation enrichissante.

Dans la gare, il essaya de la trouver mais ne la vit pas. Un peu déçu, il se préparait à sortir à l’extérieur pour prendre un taxi quand il entendit une voix chevrotante l’interpeler.

-Jeune homme!

Il se retourna et vit Mme Cooper marcher vers lui aussi vite que ses courtes jambes le lui permettaient. Il réduisit la distance entre eux.

-Ah! Vous voilà, je vous cherchais! dit-elle en lui tapotant le bras. Vous alliez partir sans me saluer!

Avant qu’Albert puisse nier avoir eu cette idée, elle lui offrit l’écharpe qu’elle avait fini de tricoter.

-Voilà, je me suis dépêchée de la terminer afin de pouvoir vous l’offrir en souvenir du meilleur rencard que j’ai eu depuis la mort de mon Ernest. Cela fera ressortir la teinte de gris dans vos yeux, et votre fiancée ne pourra faire autrement que de vous mettre le grappin dessus!

-Comme c’est gentil à vous, je le porterai en votre honneur, il est magnifique!

-Merci d’avoir agrémenté la journée d’une vieille dame, j’en suis flattée. Je vous souhaite sincèrement de trouver un cœur de femme pur pour adoucir votre vie et vos nuits. Ne dites pas non à l’amour, jeune homme, c’est un don de Dieu, et c’est ça la plus grande richesse de la vie!

Albert se pencha vers la vieille dame qui lui arrivait à l’épaule pour la serrer dans ses bras. Il la remercia pour tous ses conseils et ses attentions.

-Si ma mère avait pu vivre jusqu’à votre âge, j’aurais souhaité qu’elle soit comme vous. Merci, Mme Cooper et bonne visite chez votre fille!

-Allons, allons, ce n’est rien. Bonne vie, beau jeune homme! Ah, si seulement j’étais plus jeune…

Albert se mit à rire. Une dame s’avança vers eux.

-Maman?

-Ah! Voilà ma fille! Ma belle Lucie, je te présente M. André qui m’a tenu compagnie sur le train. C’est un Américain, mais ça ne l’empêche pas d’être gentil.

-Bonjour M. André, ma mère ne vous a pas trop cassé les oreilles?

-Au contraire, elle m’a permis de faire un voyage fort agréable avec des conversations intelligentes. Vous avez là un trésor, j’espère que vous en êtes consciente!

-Oh, cessez ces balivernes et allez vers votre destin et… Donnez-lui sa chance, finit-elle en chuchotant après avoir balayé son compliment d’une main ridée. Je vais vous garder dans mes prières, jeune homme. Vous êtes presque aussi bien que mon Ernest. J’espère que votre fiancée saura le deviner!

Albert les salua, ramassa ses sacs et embarqua dans le taxi qui le mènerait justement là, vers son destin, quel qu’il soit.




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view post Posted: 9/4/2023, 19:07 Commentaire pour la fic "Six mois pour t'aimer" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
QUOTE (Nanie85 @ 8/4/2023, 08:03) 
Je relis avec plaisir cette fiche et je me rend compte que j'avais oublié plein de détails. C'est comme si je la découvrais. J'ai tellement de peine pour Candy

Coucou Nanie!

Merci de m'avoir laissé ton commentaire, je suis contente que tu redécouvres ma fic avec plaisir! Ce qui est bien, en plus, c'est que plus le temps passe, et plus tu en auras à te mettre sous la dent!
Candy apprend à chaque nouvelle journée à apprécier son présent, faute d'avoir un futur assuré. C'est déjà une grande leçon de vie!
Mais je comprends ce que tu veux dire, cela doit être en effet infiniment triste de se voir condamnée si jeune!
À bientôt pour la suite!
:wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 30/3/2023, 17:07 Commentaire pour la fic "Six mois pour t'aimer" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
QUOTE (Lulune14 @ 24/3/2023, 12:11) 
Coucou Sunnyrainbow merci pour la suite de ton histoire j'espère que Candy va pouvoir être guérie heureusement que Terry est à ses côtés.

Envoyé avec ForumFree App


Coucou Lulune!

Merci de ta fidélité à commenter! Oui, tu l'as bien dit! Une chance que Terry est avec elle, cela rend la vie plus douce. Pour l'instant, c'est l'essentiel. Et pour la guérison, on verra bien! Toi aussi, tu auras à patienter encore...
Merci et à bientôt pour le prochain post!
:wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 30/3/2023, 16:52 Commentaire pour la fic "Six mois pour t'aimer" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
QUOTE (bibi1805CandyAnthonyamesoeurs @ 24/3/2023, 08:50) 
j aime cette histoire mais je veux que candy vive et ne soit plus condamné à cause d'une maladie et profite de son bonheur avec terry

Coucou Bibi!
Merci pour ton commentaire! Je suis contente que tu aimes l'histoire. :wub: Pour connaître le destin de Candy, il faudra patienter encore un peu. Pour l'instant, Terry et elle apprennent ensemble comment profiter au maximum des moments actuels, et de rester présents l'un envers l'autre, en attendant d'en savoir plus. Ce n'est pas perdu, crois-moi! ;) :D
À bientôt pour la suite!
:wub: :wub: :wub: :wub:
view post Posted: 25/3/2023, 02:40 Fan Art de Lalie - Les fanarts de Candy
Wow! Ils sont toujours aussi beaux tes dessins, Lalie! Félicitations pour cette nouvelle planche! :wub: :wub:
view post Posted: 24/3/2023, 02:37 Commentaire pour la fic "Six mois pour t'aimer" - Les commentaires pour les fanfictions sur Candy
QUOTE (MamieMamounette31 @ 18/3/2023, 14:42) 
Bonjour à toi Sunny... :rosa:
Enfin ça y est j'arrive à la fin de ton dernier chapitre, c'est un grand soulagement pour moi car j'ai repris toute l'histoire ..Tout d'abord :merci: :merci: d'avoir repris ton histoires après tant d’années ..C'est une réussite ....
tant entendue ... Il y a des chapitres pas faciles à lire , et tu dis toi même que à écrire n'a pas été facile pour toi aussi ....Mais ils ont été nécessaire pour continué ta suite..Ce qui m'a troublée se sont les souvenirs douleurs d'Elroy , mais ça n'en n'enlève rien à sa méchanceté et ses piques ..Il faut qu'elle régente la vie de la famille. Tout d'abord Candice avec Henry .....Fort heureusement que Albert est présent ..Notre belle blonde et sont Terrence se sont dit oui après tant d'années de séparations ...Mais tu lui a mis une épée damoclés sur sa tête avec sa maladie ....Bien que fure et à mesurer son coeur a l'air d'etre moins malade ..Un espoir peut être ....Est que ce mariage blanc devra bien tout ou tard être consommer .... <3

Bon parlons un peu d’Élisa amoureuse folle et éperdument de son Henry et la perte de leurs bébé est très cruel .......ET ce Daniel trafiquant et avec le diable en personne ce Vincenzo qui croit pouvoir supprimé Georges .....




Albert est tourmenté perdu dans ses souvenirs et pourtant , il est très troublé par cette Rosie ....Ça n'est pas sa Tatiana bien aimé ...Mais cette belle femme joue un rôle ....et ça va lui retombé dessus ....Enfin voilà ou j'en suis dans ma lecture .......Merci encore Sunny et au plaisir de suivre ..A bientôt gros bises

Coucou Mamounette!
Me voici enfin pour te répondre!
Je te trouve brave d'avoir tout relu du début, c'est très long comme histoire. Mais vu l'intermède interminable que je vous ai imposé, c'est sage pour se remettre à jour et mieux suivre l'évolution des trames variées.
Les personnages sont exactement où ils doivent l'être et tout se place comme il se doit, même si parfois ça n'est pas si apparent. J'aime écrire des personnages qui évoluent grâce à leurs choix de vie, souvent sereinement dans le cas de Candy, Terry et la majorité de leurs amis, mais parfois tumultueusement, si on regarde les Legrand.
Je viens à l'instant de poster la suite et je continue mon marathon d'écriture. Les prochaines parties avancent, et comme toujours, j'aime ajouter du rembourrage pour que ce soit plus moelleux et confortable comme lecture, alors je prends le temps qu'il faut pour m'assurer que c'est à mon goût!😏
J'espère que tu t'amuseras autant à lire le restant de l'histoire! Merci pour ton commentaire qui m'a fait très plaisir.🤗
:wub: :wub: :wub: :wub:
1935 replies since 13/11/2012